vendredi, décembre 21, 2007

Maman le temps qui passe…


Le temps s’égrène si lentement ici. On a beau le suspendre en rêves éveillés, lui faire perdre le fil, essayer de l’égarer, ralentir pour le laisser passer, l’embrouiller en horaires décalés, il en reste encore des heures et des heures à épuiser. Alors, on parcelle les tâches pour qu’elles durent plus longtemps, histoire de créer un faux stress, une sensation d’urgence, un semblant de vie. Les courses, on les fait en dix étapes : un marchand pour chaque produit, et de préférence pas dans le même quartier.
Depuis qu’elle est à la retraite, ma mère excelle dans ce bourdonnement quotidien et s’applique à faire en dix heures ce qu’elle pourrait faire en une heure trente, en comptant la manucure. Sauf qu’elle ne s’offrirait jamais une telle frivolité et qu’elle n’échangerait pour rien au monde sa mauvaise mine et ses traits tirés , parce qu’une mère détendue est une mère indigne. Lever à 6h du matin pour obtenir de belles cernes, de 6h à 10 h, je ne sais pas trop ce qu’elle fait (puisque je dors), mais elle s’active vraisemblablement dans la cuisine, lit le journal, fait au moins deux grilles de mots croisés, une ou deux machines, un peu de repassage, chasse les mouches, appelle ses sœurs….A 10h, je l’accompagne dans une de ses dix sorties quotidiennes. 10h02 : on va chercher ma petite sœur au lycée et la déposer chez l’orthodontiste à l’autre bout de la ville (parce que les transports en commun, c’est pour la plèbe), 10h12 : on est chez le marchand de volaille où tu choisis ton poulet vivant avant qu’il ne se fasse trucider en direct live ( dans une espèce de labo à l’arrière-boutique, où les règles d’hygiène sont calquées sur la norme Iso-j’men-fous), déplumer, et empaqueter dans un vieux sac plastique. 10h30 : c’est le marchand d’épices où chaque client se fait servir par un ou deux larbins parce que le self-service est déshonorant et que la main-d’œuvre est pas chire. Et bien même en se tapant la discute avec tout le monde (j’ai notamment eu droit à une leçon pour distinguer les différentes sortes de poulets : élevés au grain, industriels et croisés ), ça ne nous faisait que trois quarts d’heure ! Heureusement, il faut ressortir une demi-heure plus tard pour acheter le pain (qui n’est disponible qu’entre 11h45 et 13h15), mais pas à la boulangerie d’à côté qui triche sur la farine, mais à celle deux pâtés de maisons plus bas, on n’est pas à 2l d’essence près. Ma mère est donc tout le temps très occupée, surmenée par les exigences tyranniques de sa morale bio-religieuse: non, je ne congèlerai point pour me faciliter la vie, parce que ce serait priver ma famille de la saveur du frais, et peu importe s’ils ne s’en rendent pas vraiment compte, Dieu me récompensera dans l’au-delà. Evidemment, avec ce rythme effréné, il ne lui reste plus de temps à passer avec sa fille qui n’est là qu’une semaine. Mais ça, on aura tout le temps de le regretter… après.

mercredi, décembre 19, 2007

Compagnie low-cost

Atterrissage en douceur à Agadir : gagné 20° en 3 heures. Bien mérité après un voyage éprouvant, coincée entre Ségolène Royal et Paul-Loup Sulitzer. OK, c’était pas le vrai Paul-Loup Sulitzer, juste un gras machin bling-bling qui lit Golf magazine et loue une villa avec piscine pour recevoir ses clients entre deux puts. Il adoooooooore Agadir : « pour le prix d’un studio à Marbella, t’as une maison somptueuse avec domestiques encastrés, et open putes… »
Ségo est offusquée, mais reste digne. D’accord, c’est pas la vraie Ségo non plus, mais son portrait craché-juré. D’ailleurs, je suis pas la seule à faire le rapprochement, la cohorte de délégués-médicaux embarqués avec elle pour un séminaire low cost lui donnent tous du Royal. C’est vrai que ça fait plus classe que Fabienne. Et la ressemblance n’est pas que physique, le même ton pincé de l’institutrice « intransigeante mais pour ton bien pauv’fille », et le même sourire constipé de peine-à-jouir.
Bien sûr, elle est très à cheval sur ses principes, car c'est tout ce qu'elle a les moyens d'enfourcher. Sa monture de bataille: le respect des saisons, l’éducation du goût, la préservation des terroirs et des modes de vie d’antan, quand on bouffait des rutabagas l’hiver et les tomates que l’été. Un peu bizarre pour une déléguée médicale qui refourgue des gélules pas très bio pour soigner les bobos des fossoyeurs de la sécu…oui, mais elle est déjà assez occupée à combler le trou de la couche d’Ozone, en retenant tous ses gaz à effets de serre.

dimanche, décembre 09, 2007

Disproportion


Ok la première fois, ça n’a pas marché, je n’ai pas tenu longtemps. Même pas laissé le temps au sperme de sécher, aux larmes de couler, au manque de s’installer. Craqué avant même que tu ne réalises, parce que tu as toujours une réaction de retard, et moi deux émotions d’avance.
Pas évident de renoncer au minimum affectif garanti, à la régularité des effusions, à la sécurité dérisoire du " nous ". Trop fatigant de chercher d’autres sources d’énergie, de puiser dans ma seule volonté, de vivre sans le regard de l’autre, comme une peine perdue.
Cette fois, j’espère que c’est la bonne : j’ai déjà tenu deux mois, perdu trois kilos, éteint mon téléphone, pris quelques cuites, vomi des carottes râpées et notre histoire. Noyé mes larmes dans la baignoire, trop grande sans toi pour me caler. Cru t’entendre ouvrir la porte, espéré te voir débouler, furieux d’être plaqué (t’ai-je déjà vu furieux ?)…saloperie de murs en carton, c’était juste mon voisin de palier. Sortie changer d’air. Mais l’air est partout le même, irrespirable, chargé de particules de toi qui m’irritent les yeux, me font pleurer. Une petite perte qui crée un grand vide, voilà ce que tu es.

dimanche, août 26, 2007

C'est reparti comme en 14


Oui, mais c’est moi qui ne tiens plus. J’avais tort, le déjà bien n’est pas assez. Ma mère dit toujours : si tu n’as pas ce que tu veux, désire ce que tu as. J’ai essayé. Me suis appliquée à être heureuse. Délaissé ma plume pour des chaussures de rando et mimé l’extase devant des vues de cartes postales. Jusqu’à y croire parfois. Furtifs moments de grâce. Mais là, j’en peux plus. Toi albatros en ville, moi extra-rurale. Pas qu’un problème de garde-robes mal assorties. Plus qu’un désaccord de points de vue. Quitter Saint Germain des Près pour t’enterrer dans le trou du cul de la France, exode inversé. Pas fait tout ce chemin pour me mettre au vert. Moi, je cherche la lumière que tu fuis. Quitte à me brûler les ailes, à regretter la tiède flamme de tes yeux, tout ce qu’il nous restait à vivre à deux. Le vélo que tu ne m’as jamais appris. Il s’en est fallu de peu. Sauf que tu aurais dû doubler la mise, mon gambler du dimanche. Entretenir l’illusion du feu. Trop raisonnable, trop modéré. Pas compris que je voulais plus que le confort d’un amour timoré.

mardi, août 21, 2007

Le Roumi qui a tenu le plus longtemps

Un an déjà. Merci d’avoir été là aux pires moments- même maladroit, même loin-, d’avoir inspiré les meilleurs –même sans le faire exprès, même en n’y croyant pas-, d’avoir écouté mes délires, subi mes excès, encaissé mes coups bas, même pas rendu la monnaie de ma pièce, m’avoir retenu souvent, failli me perdre parfois, toujours pris des gants malgré tout, oublié de te couvrir malgré moi, oublié de me protéger contre toi, pris mes doutes argent comptant, à court de certitudes mais pas de sentiments. Merci d’être mon amour, même hésitant, de biper tout le temps- tiens, c’est toi qui vibres-, quotidien téléphoné, faut vivre avec son temps, parler pour ne rien dire parfois, juste pour s’entendre vivre, se sentir deux quand même, se mal-écouter tant pis, passer à côté en prenant la tangente, viser juste par moments, batterie HS par d’autres, on ne peut pas être au top tout le temps, décharge de foutre pour repartir, recharge de tendresse pour rester, toujours le plaisir d’être ensemble, c’est plus qu’assez, même pour une insatiable comme moi.
Pour cette année héroïque, je te décerne la médaille du mérite du « Roumi qui a tenu le plus longtemps ». Mais ce n’est pas tout. Pour te donner le courage de persévérer encore un chouya, de vibrer encore quelque temps, je t’offre, au choix :
- un forfait découverte dans un club d’échange culturel
- une soirée avec Betty Boop en personne (ou son sosie de la Taverne de Maître Kanter en cas d’indisponibilité de BB)
- une nuit torride avec mes collègues de bureau déguisées en soubrettes
- une nuit torride avec moi dans tous les rôles.
Douda

mardi, juin 12, 2007

Pas faim, trop faim

Je l’ai revu. A déjeuner à côté du boulot. Pour rendre le chavirement impossible, endiguer tout débordement, me claquemurer dans l’insignifiance du banal Boulogne. Mauvais calcul, comme à chaque fois. Avec lui, le cadre n’a jamais compté.
Oui, ça m’a manqué. Cette envie qui s’exprime sans détour, sans gant, sans transition, avec le naturel de celui qui retrouve son objet, sa chose, son dû. Une voracité tendre et brutale. La muflerie de l’amant établi, si peu à se reprocher, si rien à perdre, pas grand-chose à gagner non plus. Pas besoin de réclamer, prendre ma main, ma bouche, ma taille, mon cul. Non, mon cul, il ne l’a pas eu. Juste frôlé de son désir, un rien allumé.
Oui il est cramé, le tagine, pourtant, ça crépite encore au fond, pas encore tout calciné, d’ultimes grésillements de restes trop cuits.

vendredi, juin 01, 2007

Dérobade

Juste quelques mots en Ktimini. Désolée, mais l’heure du retour n’a pas encore sonné. La vraie vie me déborde de ces petits riens qui créent l’illusion du sens. J’ai changé de boulot, changé d’appart. De dimensions dans les deux cas. Gagné 10m2 dans le deuxième, perdu un placard dans le premier. Je me range aussi, ne disperse plus mon cul dans des histoires à la con, fais des projets, m’attache à mon amour imparfait…
Voilà, en résumé condensé réducteur. M’étendrai un autre jour.

mardi, décembre 12, 2006

Ma mine à charbon

Ma boîte a été reprise, allégée de la moitié de ses salariés (quatre), mais pas de mon p’tit chef qui m’inflige toujours la vue de son profil incompétent et de sa face de faux-cul. Au-dessus de mon p’tit chef, y a une nouvelle chef-teigne : gloussement de poule et look catho du seizième modernisé chez Zadig & Voltaire. Etrange mélange de candeur niaise et de maternelle condescendance. Mais si touchante. A déjeuner, elle nous annonce qu’elle va adopter un bébé métisse, sur le ton badin des réunions Tupperware. Ça nous a tout de suite mis à l’aise. Pas une phrase sans caser son mari, sa belle-mère, ses neveux, ses filleuls, encore son mari, ses bons sentiments, son humanisme bien-pensant, ses mièvreries de midinette réac. Ça suinte de partout, ça dégouline, ça fond sur les pâtes, coulis de tomate et d’empathie, arrière-goût rance de confidences au parmesan. Ça écœure. Surtout mon autre collègue rescapé-celui que j’aime bien-, qui s’étrangle dans sa barbe, se noie dans ses cheveux, étouffe sa pizza, décide d’avaler sa langue. Le p’tit chef, lui, se croit obligé de surenchérir. Etalage de drames familiaux pour attendrir la patronne, quêter des points de sympathie, brader son cul pour garder son fauteuil de p’tit chef. On se croirait dans un mauvais vaudeville. Dans ma nouvelle boîte, y a aussi une vraie syndicaliste CGT( si si, avec des « camarades », des tracts et des antidépresseurs). Elle vient nous prévenir qu’on a atterri dans le fief des méchants capitalistes qui exploitent leurs salariés avec des RTT imposées. « On est presque revenus au temps des mines à charbon », que je m’insurge. Mais je ne devais pas paraître crédible. Elle, c’est une vraie révoltée. L’indignation dans le décolleté et les formules du parfait syndiqué : « Y a de petites entreprises, mais y a aussi des entreprises petites ». C’est beau des seins en furie. Et puis ses mines de bête traquée, ses délires de persécution : le patron qui trafique les chiffres avec la complicité des commissaires aux comptes à la Enron, le DAF qui l’agresse en plein couloir devant les salariés réduits au silence, les faux syndiqués à la botte du PDG, les infiltrés qui la coursent... Une sorte d’Erin Brokovitch qu’on tenterait d’empoisonner en ionisant la machine à café. Qu’est-ce que je m’amuse. Bon, y a aussi le représentant de la minorité visible qui s’appelle Samir mais qu’on peut appeler « Sam », la secrétaire de direction qui s’habille chez Pouf-boutique, le couple qui fricote dans l’îlot d’à côté, le commercial postillonnant, la secrétaire qui fait de l’humour de fournitures de bureau, l’informaticien qui parle au disque dur ….Une centaine de prénoms à retenir, on s’tutoie, on vous voit plus, ça s conjugue en sourires complices, ça s’invite à la machine à café, ça fait des soirées raclette, ça parle contraception à table…Et moi, championne de l’intégration cocotte-minute, je me pâme d’admiration devant la cheffe, distribue les clins d’œil entendus aux syndicalistes et pouffe aux blagues de la secrétaire. Eh oui, comme on dit au Maroc, il faut bien « photographier son bout de pain ».

Juste un p'tit coucou

J’ai déserté la toile, percé le cocon. Je ne végète plus dans ma bulle ; ça fait du bien, rompre les fils, couper le pont, construire une vie, une vraie, pas une second life, voir des gens, que je peux toucher, différemment, superficiellement, trivialement. Chercher d’autres centres de gravité, ne plus m’écrire, me la raconter. La griserie d’être lue me manque, pourtant. Je me dis qu’il faut que je me pose, que je tape encore des mots qui cinglent, des mots qui giclent et qui soulagent. Et puis j’élude. Je m’évite, parce qu’au fond, je n’ai plus grand chose à me dire, j’ai épuisé mon sujet.
Et puis j’ai reçu des mails, des mots de sympathie et de reproche, pour me rappeler que mon monologue était partagé, que les liens n’étaient pas factices, et que des fils de tendresse s’étaient tissés. J’ai eu envie de leur répondre, de les appeler, de passer les voir, les rassurer sur ma nouvelle vie, les remercier de s’inquiéter ; mais je ne peux que leur écrire, alors je m’y remets, avec la maladresse des déplâtrés. Juste un p’tit coucou…et puis peut-être que j’vais rester encore un peu.

vendredi, octobre 27, 2006

Reconnexion


Chers lecteurs, pardon d’avoir déserté sans vous prévenir. J’ai lâchement abandonné mon blog et mon taudis parisien pour aller faire l’ermite en montagne. Bon OK j’avoue, pas totalement ermite puisqu’escortée de mon grand blond d’amour-carte-postale qui n’a jamais si bien mérité son nom. Devrait être payé par l’office du tourisme tant il se dévoue pour la promotion des petits villages classés au patrimoine mondial de l’Unesco pour la particularité de leur bouse de vache. Capable de disserter pendant des heures sur la nuance entre la lumière de 8h du mat et celle de 9h30 parce que, voyez-vous, les mélèzes rougeoyants rougeoient différemment. Phytosensible au point de larmoyer encore sur les dégâts de l’incendie de 1995 qui a décimé des forêts de chênes centenaires (ou était-ce des frênes). Heureusement, la nature lui inspire aussi des saillies moins verbeuses, du genre à me rendre écolo déchaînée enchaînée au tronc de mon saule pleureur. A en chialer. A embraser les mélèzes déjà enflammés. Non, on a dit pas d’incendie de fourrée.
J’aurais bien prolongé ma retraite de quelques semaines, histoire de vous raconter mon ascension vers le nirvana des chômeuses choyées. Mais on ne peut pas vivre que de sexe et de miel des Alpes, enfin surtout lui, qui est encore rattaché au monde civilisé par de basses contingences matérielles. Parce que moi j’étais même prête à traire les vaches. Sauf qu’elles sont classées monument historique.

vendredi, octobre 13, 2006

Liquidation à effet immédiat


Ça y est, le verdict est tombé. Je suis liquidée. Non pas moi, la boîte où je travaille (non travaillais, c’est du passé, faut t’y faire), moi je suis licenciée économique, virée suite à la débâcle de mon entreprise spécialisée pourtant en réduction de coût et qui n’a su réduire que nos têtes. Même que le redressement judiciaire n’a rien redressé du tout.
On a beau se dire que ce n’est que le dénouement logique d’une agonie qui perdurait depuis des mois. La mort, même annoncée, est une mort brutale. Et puis, on s’y fait au stade terminal, ça changeait pas grand chose au mode de fonctionnement chaotique d’une boîte qui a toujours tourné avec beaucoup de vent et une trésorerie asséchée. Les salaires versés avec trois semaines de retard, la mutuelle fantôme, les carnets de tickets restau livrés tous les trois mois, les virements qui se perdent dans les tuyaux des banques occultes (en faisant un détour par le Liechtenstein et Wagadougou), ça c’était la routine depuis deux ans et demi. Depuis que j’ai mis le pied frétillant de reconnaissance d’être pris dans ce qui allait être mon premier stage en France, puis mon premier boulot, puis mon premier placard, et enfin mon premier ticket vers les Assedic. Entre-temps, j’ai fait le tour des statuts depuis stagiaire bénévole à CDD renouvelable à l’envi jusqu’à CDI avec titre de séjour de travailleur temporaire (faudra expliquer aux gars de la préfectures qu’y a longtemps qu’on fait plus les vendanges à Paris) en passant par un statut hybride de salarié non identifié semi-déclaré selon la couleur da la fiche de paye et l’humeur du patron, très lunatique comme tout petit patron de petite PME. Mais c’est pas grave, y avait les avantages de bosser dans une entreprise à taille humaine, la promiscuité, la communication informelle, l’ambiance indexée sur les humeurs du patron, le plaisir de monter soi-même ses propres meubles, d’attendre une semaine la livraison du papier à imprimer, de bosser sur un ordi rafistolé mais tellement plus convivial. Même qu’on connaissait les détails de la vie de famille recomposée du patron et de sa femme qui se donnaient du chéri d’un étage à l’autre, quand ils n’étaient pas en train de hurler au téléphone, portes des bureaux grandes ouvertes, y a rien à cacher. Port du casque obligatoire pour bosser. C’est ça un patron de gauche, la transparence. Sauf pour les comptes, parce que là faut pas décompter, c’est tellement mesquin un salarié qui réclame d’être payé le 12 du mois, ça fait tellement fonctionnaire-moule accrochée à son rocher. A fortiori quand c’est une étrangère avec des tonnes de paperasse à remplir pour pas se faire vider. Et qu’elle la ramène pas trop non plus avec ses mines offusquées, parce qu’au bled on sait bien comment ça se passe…
De ce côté là, ça se passait plutôt bien au bled, justement, je bossais dans un cabinet anglo-saxon, dont on prononce les initiales avec le frisson de fierté du privilégié, genre le cabinet Mac Gregor, dans " Violence des échanges en milieu tempéré ". D’une entreprise arabe managée à l’américaine, je me retrouve dans une boîte française gérée comme une épicerie arabe, avec en prime un patron marchand de tapis qui s’habille chez Babou, on fait jamais assez dans la caricature. Enfin, tout cela est fini maintenant. Hier on était convoqués au bureau du liquidateur judiciaire qui nous a donné les formulaires de reclassement avec suivi personnalisé. Son regard humide de compassion nous disait bien que c’était juste bon à se torcher. A moins qu’on se fasse reprendre avec les meubles. Reste à espérer que le repreneur apprécie l’artisanat marocain, même bradé, et qu’il ne soit pas total look Ikea.

mercredi, septembre 27, 2006

Le lendemain


Je l’ai désiré, je l’ai eu. Et après ? ce vide du lendemain. Ma fuite alors qu’il dormait encore. Peur d’encombrer. Avant, il fallait bien dîner, rituel de gens civilisés, on ne s’embroche pas comme des bouts de viande, faut prendre le temps de rissoler. Et après ? Après la volupté, le sommeil partagé, complicité des corps toute de tendresse enrobée, même si plastifiée. Qu’est-ce qu’on peut bien se dire, qui ne serait pas de trop? Que j’ai adoré comme sa queue m’a réveillée, dressée contre mon cul. Mon sexe l’a déjà dit. Que j’aimerais bien le revoir, parce qu’une première nuit est toujours un coup d’essai. Que la notre était juste assez belle pour me donner envie de recommencer. Pas osé. Peur de déballer mon emballement, me faire remballer. Il m’a tout de même servi un " à bientôt " ensommeillé. Et je le lui ai rendu d’un sourire qui se voulait léger.

mardi, septembre 19, 2006

Ambiance ramadanesque


Le ramadan approche et ma mère qui m’envoie des briouates, histoire de me motiver. Ah encore, le ramadan, je l’avais presque oublié. Elle a ri jaune et je n’ai pas voulu insister. Pourtant on n’a jamais été tradition dans la famille, genre égorger un mouton dans un concert de youyous et d’Allah Akbar, le dépecer dans une joyeuse liturgie ensanglantée, enfourner sa chair, ses organes, ses tripes en ponctuant doctement la digestion de pets et de rots fleurant la bonne santé et la reconnaissance à Allah Miséricordieux. Mais bon, personne ne peut échapper à cette torpeur ramadanesque qui transforme tout le pays en zombies.
Cette faim généralisée qui fait communier les ventres dans d’infâmes gargouillis et respirer les haleines fétides, parce que le dentifrice est pas autorisé. Etre un estomac toute la journée, avoir des pensées d’estomac, des envies d’estomac, faire des rêves d’estomac. La fébrilité des dernières minutes avant le ftour, les voitures qui klaxonnent comme des ventres en furie, les pas qui se pressent pour ne pas rater la première bouchée, les balcons qui se peuplent à guetter l’appel du muezzin, bientôt confirmé par la sirène, la sirène qui autorise le peuple à bouffer. Et puis plus rien, les rues désertes et le silence qui déglutit. Tout le monde lape sa soupe en même temps.
L’économie s’arrête évidemment, comme un mois d’août en France, pas moyen de trouver un interlocuteur dans une quelconque administration autrement que dans un état de larve mal lunée. Parce qu’y a aussi les fumeurs qui peuvent pas fumer, les alcolos qui peuvent pas boire, les frustrés qui peuvent pas baiser…euh pour les frustrés, ça change rien, peuvent jamais baiser de toute façon. En revanche ils matent encore plus, ils matent de toutes leurs faims cumulées. Et gare au bout de peau provocateur qui dépasse… C’est d’ailleurs la grande occasion du passage au voile pour les impures qui veulent se mettre en odeur de sainteté (le déo coûte cher), cacher leurs cheveux gras et masquer leurs formes libidineuses. Le marketing religieux déploie tous ses charmes racoleurs : campagne de coranisation sur toutes les chaînes, promotions sur les lieux de culte (c’est-à-dire partout), même que les barbus se mettent à distribuer leurs flyers à tous les coins de rue pour les soirées mosquée avec des messages publicitaires un rien exagérés (genre des dizaines d’Alices vierges qui t’attendent au paradis, avec la connexion ADSL en prime). Y a aussi la grande soirée jack-pot, le 26ème soir, où si t’es bien concentré et que tu passes toute la nuit à génuflexer sans t’assoupir et sans péter, le ciel s’ouvre et tous tes vœux sont exaucés. Bien sûr, faut avoir la foi, mais ça tout le monde l’a, et la baraka, moins bien répartie.

mardi, septembre 12, 2006

Mon amour d'ébène


A chaque fois que je vois un bébé noir, je pense à lui. Le seul qui m’ait donné envie de lui pondre un gosse, moins parce que je me sentais prête à materner que parce que lui est un père né. Peut-être aussi pour lui rendre un peu de ce qu’il m’a trop donné. Un bébé et on est quitte, mon bébé, un bébé et on se quitte?
Son corps d’ébène sculpté, sensuel presque malgré lui, sensuel au point de m’inhiber. Avec lui, j’avais la paresse d’aimer. Son corps magnifiquement ciselé, je le trouvais presque trop beau pour le profaner. Peur de le banaliser à trop en jouir. Si peu sûre de le mériter. Pour lui aussi, le sexe devait rester une récompense, tellement pas une routine. Non, baiser tous les jours est un luxe d’occidentaux. Nous devions rationner la volupté. Pas le temps dans notre vie d’étudiants-tiers-mondistes fraîchement débarqués. Entre les cours, les petits boulots, les grands projets, nous n’avions pas d’énergie à gaspiller. Il stimulait ma gnak, celle qui est redevenue sans lui indolence d’enfant gâté. Nostalgie de nos mois de vaches maigres, quand on manquait de tout et qu’il ne me laissait manquer de rien. Son don de sublimer le quotidien, de faire d’un plat Leader Price un vrai festin.
Mon homme trop parfait. De l’Afrique, il avait la couleur, l’accent si peu discret, mais un je ne sais quoi de blanchi. Peut-être dans cette discipline ascétique, si peu naturelle, cette rationalité qui essayait toujours de prendre le dessus. Une forme d’austérité l’a colonisé. Il avait l’insouciance grave comme s’il avait grandi trop vite, ou né déjà adulte. Il se contenait, même ses abandons étaient contenus, comme de peur de voir la bête se réveiller. Je voulais la voir, la bête, je voulais le connaître, mon étranger. Après deux ans de vie commune, je ne savais presque rien de son pays, de son histoire, juste des bananes frites qui me donnaient la nausée. Nous étions intimes pourtant, de cette intimité qui rend les moments les moins glamours touchants. Si peu Belle du Seigneur, si vraie, si crue, jamais personne ne m’a vue dans une laideur aussi nue. Son amour avait quelque chose de maternel, d’inconditionnel, d’aliénant aussi. Sa force m’affaiblissait, m’empêchait de grandir. Je me reposais de tout mon poids sur sa roche, si sûre que sa matière ne pourrait jamais s’effriter. Et pourtant. Force factice. De nous deux, il était de loin le plus vulnérable mais je n’ai pas su le voir, je l’ai vu trop tard. Sa souffrance, je ne l’ai pas senti enfler, et sa dépression, je n’ai rien pu y faire. Juste sauver ma peau parce qu’il me le demandait. Parce qu’il refusait de m’entraîner dans sa chute, de me faire sombrer. Je lui en ai voulu de n’avoir jusqu’au bout rien voulu prendre, rien me laisser donner.
Désemparée, incapable d’affronter la vie sans ses crêpes, ses massages de pied. Toutes ces nuits à pleurer, orpheline de ses bras, comme un enfant terrifié. Je n’ai compris qu’après, bien après, que ce sevrage m’a rendu ma liberté. Celle d’apprendre à m’aimer, sans avoir besoin de l’autre, du regard de l’autre pour confirmer.

samedi, septembre 02, 2006

Mon amour carte postale


Un an après notre tentative avortée, on sait tous les deux l’impossibilité d’un quotidien partagé. Ça tombe bien, je ne veux pas, je ne veux plus d’un homme du quotidien. Juste des hommes de passage, sans s’attarder. Pas d’hommes consistants qui prennent trop de place, toujours des pages à tourner.
En le laissant tout triste dimanche, j’ai tout de même eu un pincement de nostalgie. Attendrissement de quai de gare, après un week-end à s’aimer, coupés du monde. Et pour moi la découverte de la France profonde, où il fait bon pénétrer. Nature luxuriante pour mes yeux citadins, vaste terrain de jeux pour ma nature luxurieuse.
Si beau, mon amour carte postale, si beau mais déjà usé. A 34 ans, un mélange de vieillard émoussé et d’enfant pas encore sevré. Sa mine d’anémié, ses besoins subits et urgents de sieste à n’importe quelle heure, comme une batterie déchargée. Etrange métabolisme qui somatise à la moindre contrariété. Corps transparent, baromètre de toutes ses angoisses. Angoisse de vivre, de jouir, de se dépenser, de s’épuiser. Et puis cette manie de s’ausculter les hormones comme une gonzesse mal réglée. Presque aussi pathétique que d’indexer ses humeurs à l’horoscope.
Pourtant si beau, dans sa pâleur de déterré. Foi de mon ami homo, qui a le goût exigeant de son sexe. D’ailleurs y a qu’à se promener dans le Marais, moi si petite accrochée à son m88 convoité. Même pas fier, plutôt gêné. Presque toujours gêné. Embarrassé par ses longues jambes, sa situation de privilégié. Passe son temps à s’excuser, à se dénigrer : " je dois te sembler si fade… ". Ses sensibleries de torturé s’accordaient mal à mon cynisme enjoué. Merci et pardon ne faisant pas partie de mon vocabulaire amoureux, je ne comprenais pas sa langue faite de contrition et de reconnaissance : " excuse-moi pour hier, excuse-moi pour ce matin, excuse-moi pour demain… ", j’avais beau mettre ça sur le compte de ses racines catho, je ne me sentais pas l’âme d’un confesseur. Et puis " merci d’avoir appelé ", " merci d’être passée ", comme si ça n’allait pas de soi, comme si je remplissais mon cota de BA. Il lui fallait du temps pour prendre de l’assurance et moi j’étais trop pressée.
Pourtant, je lui dois de vrais moments de bonheur. Quand il laissait son angoisse de vivre à Paris et qu’il sortait son insouciance du garage, une virilité flambant neuve que j’enfourchais le temps d’un week-end, et d’un week-end seulement. Avec lui, j’ai découvert la France des guides touristiques. Etretat, Honfleur, Crotoy, Sarlat…nos promenades à La Rochelle, nue sous ma robe et ses mains qui flânent sur mon cul, nos baises dans les champs à ciel ouvert, jouissance décuplée par le risque d'être découverts, là pour le coup, siestes méritées. Et nos réveils complices, nos tendres matinées où il me raconte une autre France, celle que je n’ai pas lue et que je n’ai pas encore pris le temps de découvrir. Je pourrais l’écouter pendant des heures me lire " Le Petit Prince ", ou ses romans de Zweig dont je ne raffole pourtant pas. J’aime ces moments où les rôles sont inversés, moi passive et lui maître incontesté, les seuls où sa voix n’hésite pas, ne s’excuse pas, et que les mots s’articulent.

mardi, août 29, 2006

Dommage collatéral


Le choc thermique est violent mais des restes de volupté me tiédissent la peau. Presque-saturation des sens, le presque c'est cette mélancolie de quai de gare. Un week-end, c’est le temps qu'il faut, à peine assez mais juste pas trop. Dommage collatéral, ma plume est en panne sèche. Trop tendre pour cracher son encre acide. Vais devoir attendre qu'elle se recharge à la grisaille parisienne.

mardi, août 22, 2006

Ghiselaine


Etrangère depuis toujours, ma Ghiselaine, enfant de couple mixte comme on dit là-bas. Son père était rentré au pays avec un diplôme au bras et une Suissesse dans les bagages. Il croyait peut-être que les gènes de la blondeur n’allaient pas résister à la chaleur locale, qu’il suffisait de quelques mois et du manuel de la parfaite musulmane pour que sa femme cesse d’être une roumie. Mais les gènes de la blondeur sont coriaces et sa femme a accouché de petits suisses. Chez eux, les phrases commençaient toujours dans une langue et finissaient dans une autre. Sa mère parlait allemand à son frère qui lui répondait en arabe tout en me disant bonjour en français et en regardant un film américain en VO. Son père lui, ne parlait plus que coran. Il était habité par Allah et menait le djihad contre sa famille de mécréants. Ils ont fini par lui laisser le purgatoire pour aller au paradis des vaches, celui de la pub Milka.
Leurs dernières années au Maroc sont celles que j’ai partagées. Le même quartier, la même école, les mêmes week-ends désœuvrés. A part les corps de nos hommes (chacune le sien), nous manquions cruellement de distraction. Alors on s’emmerdait ensemble, elle me brodait des cartes d’anniversaire au canevas, je lui faisais goûter mes tentatives de tarte au citron, et on regrettait qu’ailleurs ne soit pas ici…on soupirait. Qu’est-ce qu’on a pu soupirer.
Son frère s’est retranché derrière la télé, parce qu’il n’y avait pas encore internet. Il passait son temps à ricaner en boucle à la Beavis & Butt-head et à dire " shit " en toutes circonstances. Ma mère, qui ne regardait pas MTV, ne savait pas trop s’il était demeuré ou juste " les jeunes d’aujourd’hui …". Ghiselaine, elle, était plus sociable, enfin…pour une Suisse. Fallait pas s’attendre non plus à des effusions labiales ou à des jaculations lacrymales. D’ailleurs on peut dire sans exagérer que nos rapports étaient platoniques. J’ai parfois pris sa retenue pour de l’indifférence, moi qui ne connais des émois que les excès. Mais c’était juste de la discrétion. D’autant plus discrète qu’elle ne passait jamais inaperçue. Ses cheveux blonds et ses yeux bleus étaient déjà une provocation, sans parler de ses longues jambes et de ses seins proéminents. Une bombe ambulante. Et c'était pas les vocations kamikazes qui manquaient. Je m’amusais souvent aux mines éberluées quand elle parlait arabe. Je crois qu’elle, ça l’amusait moins, ça l’excédait même. On voyait qu’elle était excédée au léger frémissement de son oreille droite, mais fallait avoir l’œil exercé. Les moins perspicaces ont fini par comprendre quand elle a pris son courage et son sac à dos et a tout plaqué.
Partie se fondre dans l’anonymat helvète, où personne ne se retourne sur son passage, où mater est même plutôt mal vu. Elle est devenue transparente, presque heureuse…sauf qu’il fait trop froid en Suisse. Le soleil du Maroc, elle est revenue le chercher, son soleil à elle, son homme, l’exubérance salée, la gouaille des marins et la tendresse des galets. Pour elle, il a troqué son océan contre un lac, abandonné sa vie de bohème pour un duplex cossu. Ne tangue plus qu’à la houle de ses yeux. Dix ans d’amour sans se lasser, sans se lacer. M’a fait du bien de les revoir inchangés. Fidèles à eux-mêmes et vraisemblablement fidèles l’un à l’autre aussi (oui c’est le quart d’heure sentimentique). M’a fait du bien au moment où mes liens avec le Maroc ne tiennent plus qu’à un fil contrefait.

lundi, août 14, 2006

Le jeu des superlatifs


Tu aimais souvent jouer à ce jeu régressif, ce jeu de mâle-dans-sa-peau, de petit dernier jamais assez aimé. " Dis, de tous tes amants, je suis le plus…. ?)

- Le plus tendre ? te risquais-tu, oubliant que mon attendrissement se nourrissait moins de ta tendresse que de ton besoin angoissé de la mienne.
- Le plus passionné ? plaidais-tu profitant de la proximité de tes pilonnages intensifs. Tu veux dire frénétique ?
- Le plus intelligent ? Là, je te servais mon sourire sibyllin, la réponse est dans la question.
- Le plus cultivé ? je te rappelais narquoisement que confondre les Arabes et les Indonésiens t’avait ôté quelques points.
- Le plus beau ? tu n’osais même pas.
- Le meilleur coup ? j’éludais : " je m’interdis de comparer ". Question d’éthique.
- Le plus gentil au moins ? suppliais-tu en désespoir de cause. Je ne pouvais m’empêcher de rire à cet épithète enfantin, à cet attribut canin " gentil chien chien ? ".

De guerre lasse, tu me tournais le dos boudeur pour y accueillir mes seins repentants. Tu calais tes fesses contre mon con et attendais ta ration de douceurs : mon tendre boucher, mon insatiable concupiscent, mon plus bel exil, mon saigneur, mon tyran…et puis tu réclamais la version arabe parce qu’à tes oreilles ces mots neufs te semblaient n’avoir jamais servi : habibi, hayati, 'oumri, nassibi, zamaani wa makaani …avant d’enfin trouver l’apaisement. J’aimais tes doutes, ton délire de possession. Cette avidité de cœur en reconstruction. Je croyais que le rebâtir me donnerait le droit d’y habiter…au moins quelque temps. Délogée avant même les finitions. A ce jeu des superlatifs, un seul t’allait comme un gant, le plus égoïste mon amour, le plus vampirisant.

mardi, août 08, 2006

Mon premier décal-âge


J’avais 20 ans, lui 17 de plus. Je le trouvais beau, de manière un peu abstraite, refusant de m’attarder sur sa moustache ridicule, son front dégarni, ses yeux globuleux. Et puis tellement cultivé, qui me déclamait des vers en arabe et du Baudelaire dans le texte. M’a fait découvrir Desproges, Bobin et Nass El Ghiwane. Ingénieur masterisé, carriériste déterminé. Du haut de mes 20 ans, je le voyais déjà piloter un des fleurons du pays. En attendant j’étais très fière qu’il veuille bien prendre les rênes de mon cul.
Ça me changeait des étudiants obsédés par la taille de leur bite et leur traitement contre l’acné. Lui avait passé l’âge des boutons mais pas celui des concours de bites. Il n’arrêtait pas de répéter : " Les hommes qui ont de grosses voitures ont de petites queues ". Lui avait une petite voiture et une petite queue, mais je ne voulais pas le froisser. J’étais amoureuuuuuse. Cet état de béatitude où on n’est plus que miasmes de mièvrerie et qu’on ôte sa lucidité avec sa petite culotte. Je me voyais déjà emménager dans son appartement trop grand, devenir sa maîtresse officielle avant d’être promue épouse légitime. Parce qu’au Maroc, le concubinage n’était tout de même pas très légal, n’est toujours pas d’ailleurs. C’était l’homme-de-ma-vie-que-je-pouvais-pas-vivre-sans. A cet âge-là, je baisais encore avec mon cœur, c’est-à-dire très mal, forcément.
Bon, lui était légèrement moins emballé, un week-end sur trois c’était déjà assez. Monsieur avait une hygiène de vie : sexe deux fois par mois, tennis une fois par semaine, petits plats faits maison par maman et méticuleusement congelés en barquettes individuelles, ça conserve. J’étais pas spécialement ravie de mon 53e rang dans ses priorités. Un jour eu l’outrecuidance de lui en toucher un mot, puis deux. Revers cinglant : " A prendre ou à laisser ". OK, je prends, je me laisse prendre surtout, je le laisse prendre son pied, pas le cran de lui dire que sa queue petite, que sa queue arrogante, que sa queue égoïste ne faisait jaillir qu’amertume en guise de cyprine.
Heureusement, un jour que je remettais ma petite culotte (un string rouge passion en l’occurrence), j’ai aussi remis ma lucidité. Je me suis lancée alors le genre de défi qu’on se lance quand on a 20 ans et rien pour s’amuser, pas de gode ni de connexion ADSL : " je vais le faire abdiquer ". D’amouuuuuuuur il n’était plus question, mais d’amour propre si. Ce demi-beauf de presque quarante ans qui condescendait à se laisser aimer par une gamine de 20, cet imbu de sa virilité qui croyait me combler de ses assauts de boucher, cet autiste du cœur qui n’a su que prendre et si peu donner, je voulais le dresser. A mon tour de jouer. Il abdiqua mais ça ne m’intéressait déjà plus : j’étais déjà devenue la patrie d’un noir exilé (mais c’est une autre histoire, une belle histoire). Trop honnête pour le faire cocu, j’ai très élégamment rompu au téléphone. D’accord, c’était pas très courageux mais le jour où j’ai voulu rompre de face, il m’a servi le profil " femme-de-ma-vie-je-ferai-des-efforts-pour-te-mériter-et-promis-j’arrête-le-tennis ", ma face s’est rétractée et je lui ai servi mon cul… une dernière fois. Je n’étais pas insensible pourtant, j’ai même pleuré de l’ironie de la situation en fredonnant dans ma tête Ironic de Morissette. Bon, j’ai pleuré pendant qu’on baisait alors il a mal interprété. Il avait une haute opinion de sa queue.

vendredi, août 04, 2006

Et puis y a Frida....


Frida sur le CV et Farida sur le répondeur. Mais où est passé le A ? Le A est gommé, comme on gomme une tâche, le A est muet, tellement parlant pourtant, le A est censuré parce que non AOC. " Une lettre de plus ou de moins, ça change rien ", qu’elle s’est défendue. Pathétique travestie identitaire. Blanchiment inutile parce qu’ici on accepte les rebeu, la preuve : j’y suis. En plus, on a même payé pour m’avoir, au moins deux chameaux à l’Office de la Main d’Œuvre Etrangère, et une lettre de motivation dithyrambique sur mon profil à nul autre pareil et la valeur ajoutée de mes doigts de pied. Même pas dû sucer pour être prise, je veux dire embauchée. Bon, il y a quand même eu un doute sur mon orthodoxie syntaxique. Mais j’ai su conjuguer mon zèle au plus-que-parfait… enfin les premiers mois parce qu’ensuite l’imparfait a vite pris le dessus. Il faut bien s’accorder à l’air du temps.

lundi, juillet 31, 2006

Brunchons brunchons


Dimanche, rendez-vous à 13h30 place du marché Saint-Honoré. Une table de trentenaires célibataires, amis d’amis à peine croisés. Paris vide crée des liens et je soupçonne E. de me draguer. Un vague soupçon qu’autorise l’incontournable prélude au jeu de séduction, le SMS : " ça te dit brunch demain ? Bises, E ". D’accord, c’est plutôt lapidaire mais c’est peut-être la faute à SFR .Peut-être un torrent de sensualité derrière cette face constipée. Aussi terne qu’un fonctionnaire à Bercy. C’est un fonctionnaire à Bercy.
Mais Paris vide, le désert de ma vie sans toi et un bronzage à exhiber. Même s’il faut faire la queue une demi-heure pour un brunch à trente euros dans un décor rutilant de Buddha Bar. Je dois faire des efforts, marquer la fin de l’autarcie où tu suffisais à me déborder. Faut créer des liens, un network, se fréquenter, se forwarder, se recommander, s’approuver, se renvoyer en miroir sa médiocrité. Je vais bien trouver des banalités à glousser. Les avantages comparés du club Med de Kemer et de Corfou ? Aucun avis sur le sujet. Le bronzage en cabine versus le bronzage nature. Là, je sèche encore. Vraiment asséchée. Sinon, il y a aussi les histoires de couple forcément ratées. La juriste qui a tout prévu dans son contrat de concubinage, parce qu’il faut se protéger. Elle a eu bien raison avec les prix de l’immobilier. La divorcée qui n’en finit pas de chanter sa liberté retrouvée, qui n’a de crédible que le décolleté. Platitudes rachetées par des rondeurs bien placées. Le romantique, tempes argentées, corps sculpté, qui rêve encore mariage, parce que le symbole et la vierge immaculée…
J’étouffe mes bâillements avec des viennoiseries. Et puis les phrases packagées, parce que c’est fatigant à inventer des phrases qui n’ont jamais servi, parce que nous on est épuisés, on fait du sport, la rando, le jet ski, le ski tout court, le VTT, le kayak et même escaladé le Kilimandjaro, et puis on a les moyens de s’offrir du prêt-à-penser. Et moi je pense à mes " Mémoires d’outre-tombe " traîtreusement abandonné. Eternel drame d’inadaptée. Aucune conversation. Pas de hobbies partagés, même pas d’histoire croustillante à raconter, j’allais quand même pas te donner en pâture à ces charognes d’amours décomposées. Bon OK, je vais louer le DVD de Desperate Housewives, 24h Chrono et Lost, ça fera toujours des références " culturelles " en commun. Est-ce que je suis absolument obligée de voir Camping et de trouver Bigard " très drôle quoiqu’un peu vulgaire " ? Non, décidément, je suis beaucoup mieux derrière mon écran, tant pis pour mon bronzage et mes jolies fringues d’été.

jeudi, juillet 27, 2006

Mon premier roumi


Revu Guillaume, mon premier roumi. Un Français en mal d’appartenance, séduit par la promesse d’un Maroc hospitalier. Il vivait dans la vieille medina, voulait se fondre dans la plèbe, quitte à louer deux fois trop cher une baraque insalubre qu’il prenait pour un ryad. Nabab tout de même, fier de s’offrir une cuisinière et une femme de ménage. Mais lui ne voulait pas les exploiter. Il emmenait sa femme de ménage en pique-nique et se faisait consciencieusement arnaquer. Mon Guillaume croyait se faire aimer avec des dirhams et son cœur sur la main. Son cœur, personne n’en voulait.
Et moi séduite par sa pétulance, son humour de dépressif, sa fragilité. Si peu son corps d’empoté. Mais ses mains gracieuses de pianiste, ses mains habiles savaient me faire vibrer. Ma première queue non circoncise, que j’ai appris à découvrir, à faire émerger. Et puis queue farouche, si longtemps solitaire, qu’il m’a fallu rassurer, doucement introduire au plaisir partagé. Sa timide maladresse me débridait. Avec lui, je pouvais oser. L’envoûter en danseuse de cabaret. L’enfourcher dans un parking, même pas bien garés. Lui s’enhardissait et me surprenait. Pas encore sensuel, mais déjà érotique. Nouvelle saveur du sexe sur les passions de Bach. Presque-état de transe et des caresses pour lui inventées. Moi qui ai si peu d’oreille, j’ai appris avec lui à écouter. Appris à planer. Mes sens enivrés par la volupté noyée dans les volutes de cannabis. Nos sens affamés, à l’affût de la moindre ardeur préservée, avides à peine rassasiés, insatiables comme quand le temps est compté. Le nôtre l’était en semaines. Quelques semaines avant que je ne me lasse de son inépuisable propension à s’extasier, sa niaise naïveté, son incomplétude d’enfant de suicidée. Je lui ai laissé le Maroc et me suis envolée, vers d’autres bras, d’autres queues, d’autres chevauchées.
Maintenant embourgeoisé, mon Guillaume. Installé dans un quartier middle class, ascenseur et parking sécurisé. A fait du chemin mon Guillaume, créé sa propre boîte de com’, pris du bide et de la respectabilité. N’a pas perdu son enthousiasme écarquillé, son romantisme de mal-aimé. Il va épouser une Marocaine, une " princesse de pureté ", reste plus que des formalités de conversion à expédier. Pas osé lui demander s’il allait se faire zigouiller, serait capable d’écorcher mon souvenir calotté. Juste souri et félicité. Il cherche une famille mon Guillaume disloqué. Il n’a pas compris qu’ici, il ne sera toujours qu’un étranger.

dimanche, juillet 23, 2006

Mon amie prolo


Dans mon école de commerce, on n’aimait pas trop la désorganisation sociale. Chacun tenait son rang. C’était un école publique subventionnée, donc gratuitement élitiste. C’est à dire qu’il devait bien y avoir 20% de pauvres mention très bien, 5% de riches qui ne voulaient pas quitter le pays pour des raisons obscures, et le reste de cette nouvelle classe moyenne, enfants de cadres, de profs et assimilés. Ah, j’ai oublié les 10% d’étudiants noirs africains, nos intouchables à nous. J’étais jeune, encore mue par ce ridicule sentiment de révolte contre les injustices et indécrottablement idéaliste. J’ai donc pris un copain noir et une amie pauvre. Y a pire. Ma sœur s’est mis en tête de faire de l’humanitaire pour sauver les enfants des rues.
Mon amie pauvre était vraiment pauvre. Une vraie prolo, d’un patelin dont j’avais jamais entendu le nom, mère analphabète et divorcée, enfance passée à étudier à la lumière de la bougie (non là j’exagère). J’aimais bien son côté ingénu, je la trouvais " authentique ", ce qui recouvrait vaguement à l’époque l’antithèse de l’hypocrisie et de la superficialité petit-bourgeoise. En plus, elle n’avait pas cet esprit obtus de sa classe, pas d’ambition revancharde non plus, mais plutôt une curiosité naïve et un peu gauche, attendrissante. Même pas raciste, ce qui au Maroc est tout de même le trait le mieux partagé. J’étais pour cette seule raison prête à lui pardonner les heures passées à m’emmerder en son insipide compagnie. J’aimais bien cette idée d’ascenseur social, et je la voyais rapidement escalader les marches de la pyramide de Maslow. Je devais répondre un peu à son besoin d’estime.

Je retrouve mon amie. Expert-comptable maintenant qu’elle est. Au sommet de la hiérarchie des cons de table et des serviettes de cabinet. Entièrement relookée. Et puis, cette manière de ne parler que français, comme on affiche son standing, carte de visite sonore. Un français pensé en arabe, qu’on a la flemme de conjuguer, alors on colmate le brèches de terminaisons improvisées. Une langue tronquée qui me heurte et m’agresse. Pourquoi ne pas parler arabe ? que je lui demande, agacée. " Comme tout le monde ", cette langue bâtarde devient le signe d’appartenance à la CSP++ de Casa. Comme la Polo prune et les tailleurs BCBG. C’est pas grave si elle vit dans un taudis infesté par les cafards, ça ne se voit pas. La pyramide s’est inversée.
Ce n’est pas de sa faute, à mon amie, si elle s’est fondue dans le moule de la réussite sociale. C’était une pâte brute, à modeler, vierge et pleine de bonne volonté. Mais ce n’est pas de ma faute non plus si je ne la supporte plus. Sa manière de me demander une liste de bouquins à lire, comme une ordonnance de traitement contre l’acné. Elle prend des cours de salsa et de cuisine, elle n’aura qu’a caser la lecture entre les deux. Elle croit se souvenir d’un Kundera que je lui avais prêté, insoutenablement léger.
Son insistance à me présenter sa bande d’average frustrés, tiraillés entre la bise et la poignée de main, préoccupation existentielle de leur misérable vie de honteuses turgescences étouffées. Je ne peux pas lui en vouloir de s’être amouraché d’un minable qui se la joue islamo moderne, genre pas de sexe avant le mariage mais un bouquet de fleurs pour s’excuser, les fois où il la traite comme une merde, c’est à dire souvent. Mais je lui en veux de m’imposer un dîner avec cette caricature de cadre que je ne peux pas encadrer, avec la promesse confiante que je vais le trouver " intéressant ". Ses efforts ridicules pour m’en mettre plein la vue, m’emmener dans le pub branchouille de Casa, brillante idée. Son regard d’enfant pris en faute devant ma mine excédée et sa façon de s’en vouloir de m’avoir déplue, comme si elle avait envers moi une dette incommensurable. C’est encombrant, la reconnaissance, encore pire que l’amitié.

vendredi, juillet 21, 2006

Je suis l'abricot qui a manqué le train


Je m’ennuie tellement que j’ai fini par appeler mon amie d’enfance qui n’a pas quitté Agadir et qui, elle au moins, s’est mariée et a pondu un gosse d’environ trois ans (plus ou moins deux). Pas comme moi, toujours célibataire à bientôt trente. Cette fois, c’est la lanterne rouge, le seuil critique avant la perte de tout espoir de me caser décemment (en gros, si j’attends encore, il faudra me contenter d’un veuf ou d’un divorcé). Un devoir d’alerte pris très au sérieux par les bonnes âmes bien intentionnées, c’est-à-dire tout le monde. La famille, qui ne se risque pas à provoquer l’ire de la diva capricieuse et hautaine (rôle de composition que je maîtrise de mieux en mieux), s’y prend quand même avec moult précautions et formules suggestives, osant à peine des " j’espère qu’on pourra bientôt se réjouir pour toi ". Des connaissances lointaines, voire de parfaits inconnus, font beaucoup moins dans la dentelle. C’est fou comme les gens sont subtils ici.
Le bijoutier juif (le seul juif que j’ai jamais vu à Agadir, un bel homme de la soixantaine, très chic) qui me parle dans une langue imagée : " les filles, c’est comme les abricots, il faut les cueillir avant qu’ils ne soient mûrs, sinon ils pourrissent et personne n’en veut ". Il m’a d’ailleurs paternellement conseillé de trouver un gentil marocain de chez Renault " En France, c’est pas ça qui manque ". J’ai failli lui dire que non, les fils des ouvriers Renault sont maintenant dealers de shit, que je préfère les roumis merci, et les juifs pourquoi pas ? j’en ai d’ailleurs jamais essayé…et je crois savoir que son fils est divorcé….ça ne lui dirait pas qu’on essaye de mettre du foutre sur le brasier du Proche-Orient…non ? il est au Canada…dommage, vous êtes tout de même trop vieux pour moi.
Beaucoup plus prosaïque, on a rencontré hier une vieille connaissance de mon père : un juge, que j’aimais bien parce que j’avais passé des vacances, il y a une quinzaine d’années, dans sa maison de plage (la première fois que je voyais des spaghettis mangés à la main dans un seul plat commun. J’ai depuis pris mes distances avec les pâtes longues et je n’achète plus que des macaronis). Enfin bref, ce juge donc, que je n’avais pas vu depuis des années, me félicite d’abord pour le choix de ma carrière, m’encourage à rester en France (quelle ouverture d'esprit), mais (ç'aurait été trop beau) : " il faut te trouver un mari. La carrière c’est bien joli, mais il ne faut pas laisser le train passer. Et puis surtout il faut trouver un mari musulman : Tunisien, Marocain, Egyptien, peu importe. L’essentiel c’est qu’il soit musulman. Attention à ne pas t’enticher d‘un juif. Les juifs, cette sale engeance, ne seront jamais bons avec les musulmans ". CQFD.

mercredi, juillet 19, 2006

Ce qu'il y a de bien quand tu rentres au bled...


Presque une semaine au Maroc. Bientôt calcinée sur mes plages d’ennui, essayé toutes les crèmes anti-spleen, épuisé mes réserves de brumisateurs de nostalgie, me protège comme je peux derrière l’écran de mon ordi. Ma copine algérienne a bien résumé : " ce qui est bien quand tu rentres au bled, c’est que tu réalises ta chance de vivre ailleurs ". Oui mais 15 jours, c’est un peu beaucoup pour un constat dressé en 1 heure.
Dès les premiers jours, je ramais déjà pour trouver des sujets de conversation avec ma mère : les avantages comparés du Play et de la vaseline : terrain trop glissant, lui raconter tout simplement mon quotidien : trop de choses à censurer (les roumis, l’alcool, le cochon, le roumi cochon, le cochon roumi…)
Heureusement qu’il y a les marronniers : l’alcoolisme de mon père, la vie trépidante de mes tantes, oncles et cousins-cousines ( avec 16 frères et sœurs, il y a de la matière) : l’éducation stricte de ma tante K qui prive son gamin de 14 ans d’internet, celle beaucoup plus moderne et libérale de la cousine qui marie sa fille au même âge. Chaque jour de la semaine, il va falloir creuser encore et encore ces mêmes sujets, trouver de nouveaux angles : aborder le contexte psycho-sociologique qui a fait que mon oncle A (le père de la cousine qui marie sa fille, vous suivez ?) soit le seul à ne pas avoir fait d’études supérieures, ce qui charrie complexes et amertume chez sa progéniture, d’où un début d’explication au fanatisme de ses deux filles qui ont viré talibanes (avec la burka et tout, ici on les appelle les Ninjas, quel humour ces Marocains)
Avec mon père, c’est pire. Parce qu’en plus de n’avoir strictement rien à lui dire, je dois subir ses programmes télé : il faut imaginer la version arabe d’Arte ( Nile Culture !) avec les moyens techniques d’un studio afghan et le sex-appeal de l’ORTF. Et encore, je préfère rêvasser devant une speakerine fagotée à la mode cheap des années 80 plutôt que de l’entendre me raconter le meeting régional du PS marocain qui vient d’absorber un autre parti de gauche (le PSD) et qui a aussi revu dans la foulée sa segmentation territoriale, et mon père de se lancer dans un délire sur le découpage géographique, et pourquoi la région du Souss devrait intégrer telle ville et renoncer à telle autre. Allez, encore une couche de crème anti-spleen. EpaiSSe.

lundi, juillet 17, 2006

Haine cathodique


Les télés arabes qui crachent leur haine de l’ennemi juif. Al Manar, la chaîne du Hezbollah passe en boucle un clip morbide, ralenti sur les corps calcinés, lent mouvement de caméra sur les cadavres d’enfants, zooms sur les chairs en putréfaction ; et une voix d’outre-tombe qui tonne : tout cela est du fait d’Israël. Ça ressemble trop à un mauvais film d’horreur. Je m’attends presque à ce qu’ils sortent les boyaux des corps pour faire encore plus gore.
Al Jazira, à peine plus sobre, braille des airs de fin du monde. Saisissant contraste entre les speakerines peinturlurées, à la plastique de call-girls pour princes saoudiens, et les images d’apocalypse, en direct des quartiers dévastés. Etrange traitement journalistique qui pleure les martyres arabes et zappe les victimes israéliennes. Défilé de barbus qui hurlent leur vindicte et promettent mille vengeances pour les mille ans à venir. Dérisoire tentative de rééquilibrage des forces ? Ce qu’ils ne peuvent pas envoyer de bombes, ils l’éjectent en salves salivaires, l’éructent en invectives meurtrières.
Et cette haine qui traverse les écrans, qui trouve écho dans les prières des vieilles femmes " que Dieu fasse subir aux juifs les pires affres de la géhenne et bénisse mes petits-enfants", dans les réflexions éclairées des pères de famille irréprochables de vertu et de bien-pensance " que Dieu fasse subir aux juifs les pires affres de la géhenne et si possible aussi, mon voisin, il est pas juif mais il a rayé ma voiture ce salaud", dans les récriminations des oies voilées et embrumées " que Dieu fasse subir aux juifs les pires affres de la géhenne, sale engeance, merde, la série a sauté à cause du programme spécial bombardements ". Cette magnifique fusion des peuples arabes, qui fait sauter les barrières sociales et régionales, tous unis dans la même détestation, notre coupe du monde à nous, Nasrallah, notre Zizou à nous ?

lundi, juillet 10, 2006

L'amante religieuse


L’amante religieuse se recueille sur le corps de son amour dépouillé. Non, même pas rassasiée, même pas apaisée, déjà tourmentée. La dépouille ronfle son indifférence. Imperturbable sommeil sonore. L’amante envie la mante, elle l’aurait déjà bouffé pour l’empêcher de ronfler. Ne l’aurait pas laissé la grignoter à petit feu, la siroter comme par défaut, la broyer sans le faire exprès. La mante rit sous cape. Qui n’aurait fait qu’une bouchée de son tourment, si vulnérable dans son sommeil insolent. Elle l’aurait croqué là ou ça fait mâle, lui aurait coupé le son. Réduit en miettes ses prétentions, dépecé ses certitudes, haché ses souvenirs, sa vie d’antan, démembré le reste.
La mante religieuse ne s’attendrit pas devant le crâne dégarni de son amant, ou si peu, ne s’émeut pas de son souffle fétide, ne se contente pas de le dévorer des yeux...

dimanche, juillet 09, 2006

Décalage


Tu es un jouisseur, si peu un voluptueux : tu baises beaucoup, tu lis beaucoup…mais si vite. Je suis tout le contraire, si lente à lire, si lente à venir..
Ta spécialité à toi est de bâcler, de passer à côté de tellement de choses dans ta frénésie de passer à autre chose. Oui, mais c’est tellement plus efficace. Je t’envie.
Moi j’excelle à rater les débuts en ne pensant qu’à la fin, massacrer la fin en regrettant les débuts, aller d’inachevé en décommencé, vivre en suspens, toujours dans l’attente, n’oser précipiter l’amorce, laisser mûrir, laisser pourrir, ne pas me brusquer, somnoler, végéter, contempler, me contempler jusqu’à la dernière minute, toujours trop tard.
Ma volupté est creuse puisque je ne prends le temps de rien construire, elle se greffe sur la matière des autres et la suce...La tienne m'a résisté.
J’avais le rêve un peu fou de te voler un peu de consistance et te léguer une once de sensualité. Je voulais qu’on prenne le temps (sans avoir l’impression de le perdre) de se savourer, de se contempler, de se jouir.

jeudi, juillet 06, 2006

Note à mes lecteurs

En raison d’un déferlement de commentaires anonymes de frustrés et de mal-baisées de toutes sortes, mais surtout de celles qui bavent et éructent leur rage pathétique, je suis dans le regret de vous annoncer la modération des commentaires, en attendant que ces hyènes édentées aillent vomir leurs vaines insultes ailleurs.

mercredi, juillet 05, 2006

Fioritures


Ce matin au terminus du 115. Un beau noir, chauffeur RATP de son état, me nargue avec son déhanchement de danseur de zouk et ses fesses saillantes. Il dandine du cul en parlant dans son oreillette ridicule avec sa pouffe, certainement une "blonde qui aime les Blacks". Lui susurre ces horribles insipidités qui prolongent une nuit de sexe, alors qu’on s’est déjà tout dit. Mais c’est moi qu’il regarde le mater. Ses poses dérisoires de mâle dérisoire me font sourire. J’ai toujours trouvé les hommes trop virils un rien efféminés. Pour un peu il va soulever le bus pour m’épater (m’appâter ? ).
Pourquoi pas me le faire ? Après tout, on n’est pas obligés de parler. Pourquoi toujours ce besoin de con-verser, d’emballer de mots une histoire de cul, d’enguirlander un corps à corps ? Pourquoi tant de fioritures ? Prête à pardonner des fesses plates, des bourrelets (pas trop quand même), une sensualité de guichetier pour des mots bien léchés. Mon con, c’est pas les mots qu’il faut lécher.

mardi, juillet 04, 2006

Les fils de mon pays


Ces derniers jours, je reçois des commentaires anonymes d’insultes tournant invariablement sur le même thème, très original il est vrai : sale pute. Simple coïncidence ? le début des hostilités a commencé avec ma mise en lien sur un blog marocain, ou plus précisément fréquenté par la diaspora bobo marocaine.
Raccourci trop facile ? j’en ai déduit que ces charmantes attentions venaient de mes chers compatriotes, frustrés du gland, outrés par la mise en ligne de mes élucubrations culbriques. Comme si j’avais déshonoré la race. Evidemment je n’ai pas d’indice réellement déterminant sur l’origine de ces immondices quoiqu’un commentaire (comment-taire ?) était signé par un certain Boubker (avec un nom pareil, pas étonnant qu’on voue une haine indélébile à sa génitrice et par extension à toute la gent féminine, je te pardonne va…) qui m’a même vouvoyée en me traitant de pute, la classe ! Evidemment, on peut se dire que ces attaques gratuites et d’autant plus courageuses qu’elles sont anonymes ne méritent d’autre réponse que le mépris. De simples spams aussitôt supprimés comme je le fais pour ma boîte pro régulièrement envahie. Oui mais n’empêche qu’ils ont réussi à miner mon enthousiasme de nouvelle blogueuse.
Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de nuisance des petits frustrés du gland haineux et impuissants (pardon pour le pléonasme). Les mêmes (en version francophone) qui ont pourri mon adolescence en me privant de petits plaisir tous simples : me balader seule dans la rue, lire un bouquin sur la plage, m’habiller comme je veux ( c’est à dire autrement qu’en sac à patates). Impossible de faire cent mètres sans qu’un hamar (âne), de 14 à 77 ans, pouilleux ou notable, ne se sente le devoir de commenter mes formes, de me trouver belle ou moche, me proposer un café, le mariage ou 100 dhs pour une passe.
Jamais pu m’y faire. C’était (c’est toujours) pourtant le lot de toutes mes congénères, jolies ou pas, jeunes ou pas fraîches, respectables mères de famille ou respectables putains ayant pignon sur rue. De quoi tourner chèvre…mais j’ai préféré partir. Jamais autant aimé la France qu'en repensant à ces humiliations anachroniques. Dire que je me demande parfois ce que je fous à quémander des papiers de queue en queue (des queues de préfectures cette fois-ci) !
Donc à tous les baiseurs de chèvres, incontinents du gland, boutonneux impuissants, religieux en puissance, fils de mon pays ou assimilés, passez votre chemin, ce blog n’est pas pour vous. Ne vous donnez pas la peine de laisser des insultes aussitôt effacées. Allez plutôt vous branler sur un catalogue de lingerie La Redoute.

samedi, juillet 01, 2006

Provisions de larmes

Maman qui pleure dans la rue, dans le métro. Maman, ça se fait pas de pleurer dans le métro, tout le monde nous regarde. En France, ça fait mauvais genre, grave prolo. Ailleurs aussi d’ailleurs. Pourtant je m’en fous. Pas du tout gênée, étrangement étanche aux regards. Non, je suis presque attendrie par ce gros chagrin qui coule, qui coule. Remake d’il y a deux jours. Intarissable source. Agacée aussi par cette fabrique de mélodrames pour des petits riens. Spécialité de la maison. Maman n’a pas ramené des tagines et des pastillas pleins les valises comme toutes les mères marocaines qui rendent visite à leur progéniture expatriée. Juste des provisions de larmes, qui se décongèlent, qui se décongèlent.

jeudi, juin 29, 2006

Triste vie de con

Accès d’amertume. Tout ce que je t’ai donné, tout ce que tu as englouti, avec le naturel de mufle que tu es. Tu t’es accroché à moi comme une sangsue à l’agonie. Je t’ai gorgé, gavé, comblé puis soûlé, et j’ai fini par t’écœurer. Tu m’as vomie. Sans autre forme de procès.
On m’a pourtant assez rabâché à l’école que la gratuité tue le désir. Il faut croire que je ne capitalise pas. A l’heure où on valorise les déchets, même pas su coter mon cul à la bourse des queues délaissées.
En parlant de déchet, j’ai écouté le début de la dernière de Macha sur France inter. Un profond dégoût pour cette vieille peau qui s’accroche, qui renifle au micro, qui bave des yeux et du nez. J’imaginais le mascara coulant, les sillons creusés par les larmes dans l’épaisse couche de fond de teint, effet plaques d’une traînée plaquée. Eteint la radio.
J’aurais au moins évité ça. J’ai anticipé la fin, je l’ai provoquée même. "Ne te prive pas de moi", que tu as osé. Et tu pensais à ta queue orpheline, c’est elle que tu ne voulais pas priver.
Oui, personne ne t’a baisé comme moi. Ça, je n’ai pas de mal à le croire. La prochaine fois, tâche de faire moins volcanique. La prochaine fois, puise dans le vivier des trentenaires cultivées et divorcées, de vraie puritaines, de fausses libérées, qui ne peuvent jouir que dans le noir bien concentrées sur leur point G. Une femme de ton milieu, de ton genre. Une femme à la poitrine pleine, et l’écriture plate. Qui fera bien la cuisine et moins bien l’amour. Qui te laissera des post-it sur le frigo au lieu d’écrire des lettres à ta queue.

Vas chercher dans tes coincées du clitoris un femme pour t'écrire : " J’ai adoré comme tu m’as bouffé le cul . Je n’arrête pas d’y repenser. Toi si affamé de mon cul. Mon cul avide de ta bouche, de ta langue, de ta barbe, de tes dents, de ta rage, de ton nez qui le caresse, de ton menton qui le saccage. L’espace d’un instant, d’une éternité, j’ai habité mon cul, j’ai vibré à son rythme, résonné de ses battements de cul, chaviré à ses vertiges, perdu pied, repris mon pied. J’ai aimé mon cul de déchaîner ta passion dévorante, ta passion de le dévorer. Et puis j’ai oublié mon cul et je t’ai aimé toi, sans qui mon cul vivrait une triste vie de con. "

mercredi, juin 28, 2006

Chronique spéciale K

Ce matin je déboule - bien sûr avec le quart d’heure de retard réglementaire- au Hyatt et je m’engouffre dans un salon, après les salamalecs d’usage : " bienvenue, bienvenue, la conf vient tout juste de commencer, café ? jus de fruits ?). Je m’installe, confuse de déranger, et je m’aperçois avec effroi que ce n’est point la bonne salle, ni la bonne entreprise à moins que mon cabinet de réduction de coûts n’ait mué en éditeur de logiciels, on ne sait jamais.
Après quelques secondes de consternation et le déchiffrage du logo en gros et en gras sur les affiches, sur le dossier de presse, sur l’écran Power Point, je me rends à l’évidence : ce n’est définitivement pas la bonne salle. J’ai failli m’y résigner et rester quand même. Après tout, j’ai été bien reçue, le jus n’est pas mauvais et ça ne se fait pas de sortir en plein milieu de l’exposé du monsieur, c’est même Hechouma wili wili. Si le sujet avait été plus bandant (l’impact de la libido sur la productivité ou comment créer une émulation dans les équipes en introduisant le concept de Fucking-colleagues), je serais certainement restée. Mais ces tristes sires ne semblaient enthousiasmés que par les performances de leur logiciel à la con, je m’éclipsai donc discrètement (enfin mimant la discrétion) et m’en fus chez les voisins. J’y trouvai un snoopy monologuant d’une voix éteinte et monotone devant un parterre de journalistes très intéressés…par les viennoiseries. Je me resservis, me désennuyai en fixant les boutons de manchette clinquantes et de mauvais goût du PDG, sentant désagréablement le regard déshabillant de mon vis-à-vis qui lui, se désennuyait sur mon décolleté. Le monologue était interminable, à peine ponctué par quelques lampées de miel à même le pot.


Deuxième conférence : changement d’ambiance.
Là, je suis à l’heure, c’est à dire en avance. Je me retrouve alors dans une sorte de verrière au dernier étage d’un immeuble quai Grenelle, vue sur Tour Eiffel, avec une vingtaine de quadra-blancs-costume-cravatés. Evidemment, je ne connaissais personne. Evidemment, personne ne m’a reconnue. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Dans ce genre de situation, je m’applique très fort à feindre une attitude décontractée, afficher un sourire narquois, trouver des répliques ironiques pour les malheureux qui osent m’aborder. Je dois dire que ma technique est bien au point maintenant, loin des malaises du début. En même temps, ça ne me déplaît pas d’être regardée, à la dérobée, avec la retenue qui sied aux costumes-cravatés. J’aime bien jouer aux minorités triplement visibles : femme, jeune et colorée (si je rajoute mignonne, ça fait un peu too much non ?). Et cette façon de glisser dès la deuxième ou troisième banalité que je suis Marocaine, non pas d’origine lointaine, mais de là-bas, je viens juste d’arriver, direct de Roissy. Pour entendre l’inévitable : " C’est impressionnant que vous parliez aussi bien français " et ressortir ma blague éculée : " j’ai pris des cours du soir accélérés ". Vous voyez, en plus, j’ai de l’humour. T’es ridicule ma pauvre fille.

dimanche, juin 25, 2006

Mauvaise fille

Deux jours à jouer les petites filles modèles, envie de me re-sentir femme, désirable et désirée. Ma mère a débarqué à Paris samedi, avec son voile qu’elle voudrait discret mais qui ne peut être qu’ostensiblement ostentatoire et ma petite sœur qui ne sait que faire de son corps encombrant d’ado à peine pubère. Et moi, mauvaise fille, je leurs sers des pâtes Picard arrosées au vin blanc. M’en suis rendu compte trop tard, tant pis. Déjà que j’ai dû planquer les bouteilles, les capotes et le Play. Que j’ai dû planquer ma peine de plaquée brûlée vive.
Maman , ma petite maman, envie de pleurer dans tes bras comme au temps de mes chagrins d’enfant. Maman, ma petite maman , toi qui ne m’as jamais rien refusé, rends-moi mon roumi, rends-le moi même cassé, même démonté, je saurais bien le remonter.
Mamati, aaah ya yemma, pardonne-moi d’être absente, de n’être qu’une ombre distraite, d’entendre sa voix en t’écoutant, de te parler une langue émiettée, de le chercher dans la foule, de n’avoir que des restes à te donner.

vendredi, juin 23, 2006

Mon premier mois

Un mois sans toi. Cette manie de marquer les mois, comme d’autres les années. Comment on dit anniversaire pour un mois ? Remonté au fil des mois de notre histoire qui en a compté presque 7 dont deux de trop. Me suis amusée (enfin, comme on s’amuse à se mutiler) à prélever mes premiers mails de chaque mois-anniversaire :

Le premier mois :
A l'aube de la cinquième semaine de notre rencontre, je crois qu'il s'impose de dresser un inventaire des dégâts, un bilan des préjudices corporels et moraux, dans une première tentative de chiffrer les dommages et intérêts que je ne vais pas manquer de te réclamer, preuves à l'appui, dans un procès que je pressens plein de rebondissements:
Tu m'as enculée avec ton nez, prise avec ta bite, branlée avec ton doigt, tes doigts.. Tu m'as pénétrée de toutes parts, rempli de ta substance et vidée de la mienne.. Tu as habité mon corps, envahi ma baignoire, salopé mes draps, perverti mon canapé, asservi mon rythme, dompté ma vie... tu as libéré mes mots, embelli mes mots…enhardi mes gestes, déchaîné mes envies, exalté mes mains, inspiré ma langue, aspiré ma langue, embué mon esprit... tu m'as possédée de la tête aux pieds, tu m'as dépossédée de ma tête, de mes pieds et du mètre et demi qui les sépare ! ! !

2 mois (quand je t'ai fait la surprise dans les annonces " entre nous " de Libé)
Toi roumi ethnocentré, moi arabe fraîchement immigrée. Rencontre improbable. Amour incandescent. Mes mots qui s’emballent … nos corps qui s’affolent. Deux mois que tu m’embrases…

3 mois ( de mes vacances au Maroc)
Hier soir, j’ai rembobiné les trois derniers mois : depuis la rencontre improbable d’un m&m’s esseulé et d’une luxuriante un peu blasée jusqu’à la soirée pizza Speed Rabbit et séance de sexe hard-corps digne de la chaîne X méditerranéenne bientôt sise à Tanger.
Trois mois et des poussières. Trois mois qui valent leur pesant de foutre. Mais aussi de tendresse, de fous rires, quelques larmes, pas beaucoup, des brins de doutes, inévitables, un petit chouya de talibaneries, pimentées, des moments d’agacements, fugaces, pas encore de lassitude, du moins de mon côté. Trois mois que tu as fait irruption dans ma vie toi, ton scoot, ton Vetiver, tes plans d’architecte et tes angoisses de nouveau père, si touchant. Trois mois que j’ai adopté ton rythme de vie, ta marque de café, que je subis tes assauts de boucher, que je suis en admiration devant tes talents de bricolo et tes dons de mécano, que je m’émeus de tes progrès en pidgin arabe qui démentent toutes les accusations d’ethno-centrisme certainement dues aux limites de jugement d’une bac+4.
A 1500 miles de distance (source : Royal Air Maroc), je me rends compte à quel point je suis devenue roumi-dépendante.

4 mois
75 pages, 32 000 mots, 184 000 signes, un petit roman décousu et inachevé, notre histoire en devenir.
Quatre mois et des poussières qui tiennent sur ces pages, qui se sont tissés au fil des mots. Des mots puisés de notre quotidien, qui l’ont inspiré, parfois même sublimé.
Des mots gratuits, des mots lourds de sens, des mots qui heurtent- les miens souvent -, d’autres qui demandent pardon, des mots que je ne peux que t’écrire, des phrases que je rêve t’entendre dire, des mots dont on ne parle plus.
Des mots pour te plaire, des phrases pour faire joli, quelques passages à vide, des coups de plume comme des coups de griffes, des embardées, des sorties de route, des suspensions inaperçues, des mots pour t’aimer, d’autres pour te le dire, des mots détournés, emballés, si peu remballés, des mots qui sonnent faux mais tombent juste, des phrases maladroites, béquillantes, des mots pour me faire aimer de toi.
Des mots crus, impudiques, qui sentent le sexe, qui chantent le sexe, des fantasmes pour te faire bander, des souvenirs mouillés, mon cul ton sujet, des verbes pour ta bite, des phrases lubriques, des mots qui baisent avec d’autres mots, des orgies de mots.
Des mots ciselés, des mots en vrac, des phrases qui dépassent, quelques envolées lyriques, un brin de ridicule, des mots pressés, approximatifs, des mots juste pour rire, fous rires partagés, des mots hésitants, murmures et chuchotis, des mots criants, presque vindicatifs.
Des mots recherchés, des mots que je passe des heures à trouver, d’autres qui s’imposent sans être invités, des mots douloureux, des mots légers, inconséquents, des mots adolescents, comme des cœurs sur l’écorce, des mots pour ne rien dire, des verbes inventés, des noms hybrides, des mots polyglottes pour t’impressionner.
Des mots qui comptent, qui nous racontent, des mots pour y croire, des provisions pour les moments de doute, des mots qui restent, qu’on ne peut balayer, des mots contre l’oubli, indélébiles et tenaces.

5 mois (le début de la fin)
Compliquée mais compliquée. Je m’offrirais bien une séance de méditation (une vraie cette fois) pour me débarrasser de ce mal-être qui me mine depuis quelques jours, faire la part de ce qui est réel et de ce qui n’est que le fruit de mes fantasmes cyclothymiques, mes bad trips, comme tu les appelles maintenant toi aussi, te voir toi autrement qu’en transposant toutes mes attentes plus ou moins exprimées, plus ou moins comprises (plutôt moins que plus), encore moins assouvies.
Ce n’est pas un reproche cette fois-ci, juste un aveu d’impuissance. Nos modes de fonctionnement sont tellement différents : je crois bien déceler un début d’agacement face à mes crises récurrentes. Pourtant, tu ne me critiques jamais ouvertement et spontanément. C’est vrai que ton tempérament pacifique et consensuel est plutôt une qualité dans un pays où il ne faut surtout pas faire de vagues, c’est ce que tu appelles " être facile à vivre ". Evidemment je ne te demande pas de reproduire mes défauts, ce côté râleur et toujours insatisfait qui assène des jugements tranchants et souvent excessifs. Ce que je te demande juste c’est d’être plus direct, plus franc. Que je n’aie pas à me triturer l’esprit à l’affût de ce qui te déplaît. Par défaut, tout silence devient réprobateur, tout non-compliment devient critique, toute absence de tendresse devient agacement. Je ne peux évidemment pas te tenir responsable de mes délires de paranoïa, ce serait pour le coup injuste. Je veux juste que tu comprennes que quand je te demande de me rassurer, ce n’est pas une coquetterie.
D’autant plus que ton déménagement me rend les choses plus difficiles, et pas que du seul point de vue logistique. C’était naturel pour moi de te recevoir tous les soirs, ça l’est beaucoup moins de prendre mon sac et de débarquer chez toi, sans que je me sente vraiment désirée. C’est ridicule après tout ce qu’on a vécu, mais j’ai eu tout de même l’impression de m’imposer hier soir, avec ma valise de la semaine. Je suis gênée de squatter tes cintres, d’exposer mes produits de toilette dans ta belle salle de bain…J’imagine que ça va passer, il faut juste que je me donne le temps de prendre mes marques : entre l’amante itinérante et la compagne disponible (indispensable ?). Une période d’adaptation est nécessaire, j’espère juste qu’elle ne sera pas trop longue.
Ton déménagement, en marquant la fin de ta vie d’escargot devait aussi marquer celle de ton statut de blessé de guerre prioritaire. D’où mes attentes, non pas d’un renversement de situation (quoique), mais au moins d’un rééquilibrage qui verrait mes propres problèmes (le dépôt de bilan de ma boîte, excusez du peu) prendre le pas sur les pannes de lave-linge…
J’en arrive à me demander si on a réussi nos premiers mois malgré ta situation difficile ou parce que ta situation difficile justifiait pour moi tous les efforts, dans un seul sens, croyant à la version de " l’égoïste malgré lui et à l’insu de son plein gré "…
Remarque ça n’aura pas été la première fois que je surmonte le plus difficile pour rater magistralement le plus facile (c’est mon tout-ou-rientisme)
Je suis avide, et pas qu’une baiseuse avide. Je t’en demande peut-être trop. Il y a un très beau vers en arabe pour dire " on ne peut donner ce qui nous fait défaut ", et je ne t’en voudrais pas si tu n’as pas assez d’amour à donner. Mais je ne pourrais pas m’en contenter.

6 mois (la première fin : ton délit de fuite)
Prends tout le temps qu’il te faut et ne te sens surtout pas obligé de quoi que ce soit envers moi : tu ne me dois rien, je te dois tellement. Rappelle-moi quand l’envie (je n’ose pas dire l’amour) renaîtra, si elle renaît un jour. Autrement, je garde le meilleur, et c’est déjà beaucoup. Je t’aime.

6 mois et deux semaines (la fausse reprise)
Mon roumi m’est revenu. Pas pour toujours, pas pour une nuit. Pour un mois peut-être, une transition après la transition, peu importe. Autant de bonheur à prendre. Tu ne vas pas faire la fine bouche. Il sera toujours temps de pleurer…après.
Mon roumi m’est revenu. Sans poser de questions, sans répondre aux miennes. Les joues en flamme, le corps fébrile, un incendie dans les yeux… et ma volonté en cendres. Pas de regrets, pas de promesses, juste un désir impérieux, amnésique, qui n’a pas à se justifier.
Mon roumi est revenu, comme la Mathilde de Brel. " Et vous mes mains ne tremblez plus, souvenez-vous quand j vous pleurais dessus"… Mais c’est trop tard, comme dans la chanson. Les draps sont déjà défaits, tous contents de retrouver le foutre de mon roumi.

6 mois et trois semaines : la vraie fin
Nous avons le regret de vous informer que Mademoiselle Houda a définitivement fermé ses portes. L’établissement a fait faillite en raison d’une malgestion qui a gravement compromis sa rentabilité et mené à la cessation d’activité. Directement mise en cause, la politique commerciale du boxon consistant à octroyer un crédit illimité et sans aucune garantie à son client unique qui en a usé et abusé sans scrupule, certains diraient sans vergogne, causant la ruine de la boîte.
La gérante assume pleinement les effets de cette politique désastreuse, dont la naïveté confine à la niaiserie, et en tire les leçons idoines. Elle présente ses sincères mais vaines excuses à ses bailleurs de fond (son cœur et son cul), de les avoir entraînés dans cette aventure ingrate, ainsi que de les avoir involontairement bernés en leur faisant miroiter un retour sur investissement à la mesure du risque encouru.

mercredi, juin 21, 2006

Oracle a raison

Aujourd’hui, je suis allée à une conférence d’Oracle sur leur stratégie de CRM (Customer Relationship Management, je sais que tu n’as jamais compris ces barbarismes) après l’absorption de Siebel. Le genre de show où un Top manager aseptisé vient évangéliser un public mi-conquis, mi-endormi, en martelant des concepts marketing éculés dans un franglais irréprochable (enfin Bernard Pivot n’était pas là pour le lui reprocher). J’écoutais d’une oreille, l’autre étant occupée à capter les conversations à mi-voix de mes voisins, et mon esprit toujours plongé dans les réminiscences de ma vie avec toi. Jusqu’à ce qu’il aille trop loin, au point de sentir la vague de chaleur annonciatrice de larmes m’envahir, et que je le rappelle illico, le forçant à se concentrer sur le discours de M.Oracle et son CRM. Qui insistait sur l’importance de la fidélisation des clients (je traduis, lui parlait de la loyauté des clients, ce qui n’était pas sans charme), brandissant moult études de Gartner et compagnie prouvant par A+B que les entreprises leaders dans leur secteur étaient celles capables de garder leurs clients captifs, à coup de customization, d’anticipation des besoins (quitte à les créer), d’adaptation au profil, d’écoute proactive et d’autres conneries de ce genre, les Customer Centric, il les appelle. Et pour ça bien sûr il faut le connaître sous toutes les coutures, ce client si précieux. Ne rien ignorer de ses habitudes de consommation, son mode de vie (c’est une répétition puisque mode de vie = habitudes de consommation), ses travers et ses endroits pour toujours le caresser dans le sens du poil, l’espionner pour lui faire un joli cadeau d’anniversaire, le fliquer pour son bien.
Un petit clic et tu as la bio détaillée (pas toujours autorisée) de M. Tout le Monde qui devient " cher client Trucmuche " alors qu’il a peut-être envie de rester personne. Trop tard, vous êtes modélisé, et puis faîtes un effort pour rentrer dans les case préparamétrées. Le logiciel ne peut pas se tromper. Vous ne pouvez à la fois être le fils d’un officier de marine, habiter dans le quinzième et aimer une rebeu. Ce n’est pas un profil cohérent. L’Oracle a toujours raison.

samedi, juin 17, 2006

Trêve de civisme

Hier dans le métro. La ligne 2 bondée. Ouf, pu m’asseoir à Menilmontant. Encore 8 stations. Toujours ce bien-être décuplé d’être assis quand tout le monde est debout. La rareté crée le désir. Ma place, tout le monde la veut. Mais je ne la céderai pas. Même pas pour un vieux ou une femme enceinte, à la rigueur un vieille femme enceinte avec des béquilles. Non, j’exagère, je ne suis pas à Paris depuis assez longtemps. D’ailleurs, quand je venais de débarquer de mon bled, j’avais tendance à céder ma place systématiquement à toute personne âgée de plus de 45 ans (élan pas toujours bien accueilli par les dits quadra offusqués), aider à porter des valises de 50 kilos (mine toujours étonnée devant mes 50 kilos et mes talons aiguilles), et bien sûr redescendre pour faire monter une poussette (toujours un grand moment d’émotion), proposer de porter les sacs de courses (là mes 50 kilos et mes talons aiguilles inspirent plutôt confiance, rapport à mon type maghrébin), guider des aveugles (pardon des non voyants). En parlant d’aveugles justement. Il y a deux ans (j’habitais encore dans le dix-neuvième), je venais d’entrer dans mon ED en passant par le rayon fruits et légumes quand je vois une vieille femme aveugle haranguant la foule (je sais c’est pas la bonne expression mais elle m’est venue comme ça alors je la mets): " est-ce que quelqu’un peut m’aider à choisir des pommes SVP ? ". Aujourd’hui, j’aurais peut-être fait la sourde oreille. Impensable il y a deux ans. Je lui choisis ses pommes, ses tomates, fais toutes ses courses, les lui porte jusque chez elle, lui donne mon n° de téléphone, si elle a besoin de quoi que ce soit. Justement, elle a besoin. Que je lui écrive une lettre pour l’administration qui a suspendu sa pension d’handicapée pour des raisons obscures. Elle vit seule et elle n’a que cette maigre pension pour seul subside. Emue jusqu’aux larmes j’étais. Comment se fait-ce dans ce beau pays si généreux envers ses pauvres, ses chômeurs, ses étudiants. Moi qui culpabilisais presque d’avoir droit à des APL en tant qu’étudiante, même étrangère, et toutes ces réductions pour la même raison qui semble si évidente ici et qui l’est si peu chez moi.
J’ai donc passé des heures et des heures à faire le scribe. Pas de quoi avoir une médaille, j’étais tout de même pas mal désœuvrée à cette époque. Elle me proposait toujours du jus de pommes ED et des biscuits ED et me bénissait de toute sa foi de bonne chrétienne. Je n'y étais pas insensible, moi qui ai si peu eu l'occasion d'être utile. Au fil d’une conversation et au détour d’une formule alambiquée dans le pur style administratif, je ne sais comment elle s’est retrouvée à me parler de Jean-Marie Le Pen. " Il est injustement diabolisé, vous savez. Au fond, il ne dit que des choses raisonnables ". Au fond, quel fond ? " C’est vrai que les juifs nous ont dépouillés, ils sont partout où il y a l’argent et le pouvoir ". Je m’étrangle avec mon biscuit ED. Au fond, toujours ce fond, elle est bien maligne la petite dame. Me sachant marocaine ("oui mais vous c'est pas pareil"), elle n’a pas voulu me servir la sauce anti-immigrés. Mais l’antisémitisme primaire, ce serait un bon terrain d’entente entre musulmans et chrétiens radicaux, non ? Je l’ai laissée se dépêtrer dans sa paperasse, franchement sans remords. Pas envie de faire d’efforts. Il m’est arrivé de la recroiser dans le quartier, toujours seule, toujours pitoyable. Toujours pris soin de l’éviter. C’est le côté pratique des aveugles, on peut facilement les éviter.

vendredi, juin 16, 2006

Chronique du hammam

Malgré la tradition du hammam hebdomadaire qui sévit encore dans toutes les classes du Maroc urbain (je n'ai que très peu de données sur le Maroc rural), je n'y suis allée pour ma part(au hammam) que trois ou quatre fois, dont la dernière doit remonter à cinq ou six ans : je ne compte pas le hammam de rue Montorgueil, tu comprendras pourquoi.
En entrant dans ce temple de la féminité qui fait fantasmer tout l’Occident, je me suis souvenue des raisons de cette si longue abstention. Cette profusion mammaire, cette débauche de chair, ce débordement de bourrelets, cette exhibition de cellulites de tout âge, cette agression de nudité dans toutes les postures : affalée, écartée, recroquevillée, penchée, nonchalante ou gesticulante.
Les plus puritaines arborant des culotte usées, qui ont renoncé depuis longtemps à contenir les protubérances qui leur servent de cul et qui s’arrêtent (les culottes), pantelantes, à mi-fesses, partageant la poire en deux, sourire obscène. Les autres (les femmes cette fois) se promenant cul à l‘air, naturellement, sans perdre contenance, et l’air digne des honnêtes ménagères qu’elles sont.
Et vas-y que je te frotte et vas-y que je te récure et que je t’asperge, chair contre chair, dans une intimité faite de vapeur, de savon noir, de sueur partagée et de gommage collectif.
Oui là je me suis souvenue du malaise que j’ai ressenti à chaque fois que j’ai dû me mêler à ces corps dépouillés, à ces corps malpropres qui se décrassent en public, qui étalent leurs disgrâces sans complexes, à ces corps si peu soucieux de séduire, à ces corps réduits à leur état de corps.
Enfin, tout ça pour te dire qu’un hammam à 1 euro est beaucoup moins glamour qu’un hammam à 60 euros, et que, quitte à y aller une fois tous les 10 ans, autant payer le prix du rêve et se prendre pour la Sheherazade des mille et une nuits plutôt que la ménagère décatie d’un quartier poupilaire.

mercredi, juin 14, 2006

Crise de manque

Crise de manque aiguë hier. J’ai relu et relu nos mails, les 100 et quelques pages qui ont ponctué notre histoire. Tu me manques tellement. Mes mots son orphelins sans toi.
L'embrasement était trop intense pour être converti en banale histoire de couple. Je n’arrivais pas à aimer l’égoïste assisté qui panique à l’idée de monter un meuble Ikea, le petit-bourgeois pétri de certitudes, emprisonné dans sa raideur de normalien, pris dans le carcan de ses habitudes, si peu libre dans les frontières de son quinzième. Mais comme j’ai aimé mon roumi balbutiant des mots d’arabe qu’il me servait à toutes les sauces, avec le sourire désarmant d’un enfant de quatre ans. Comme je regrette nos bains quotidiens qui finissaient immanquablement par des séances de baise débridée. Et nos séances de baise débridée qui finissaient toujours par un éclat de rire. Oui, on a beaucoup ri. Il n’est que juste maintenant de pleurer.

Mon premier commentaire

Mon premier commentaire, certainement mon premier visiteur aussi. Sur un quiproquo. Non, tu n’es pas mon roumi. A vrai dire, je ne savais même pas que ce prénom existait. A part le poète perse Jalal Eddine Erroumi, je n’avais d’ailleurs jamais rencontré ce patronyme. Non, mon roumi à moi est un Français tout ce qu’il y a de plus beldi. Prénom composé suintant la France profonde, blond à en être fade, n’étaient ses yeux d’un bleu si bleu que j’en perdais pied et le reste.
Roumi, en dialecte maghrébin, désigne tout ce qui est occidental et moderne par opposition à beldi : traditionnel, authentique, ou bledard tout simplement. C’est une amie Algérienne qui appelait son ami Français comme ça. J’avais trouvé cela très drôle. Ça m’a rappelé qu’au Maroc, on appelle poulet roumi, les poulets industrialisés et donc cheap, par opposition aux poulets beldis, élevés en liberté, comme les poulets de Loué. Mais à cette époque, une vie antérieure, j’étais avec un noir africain, qui se prêtait donc très peu à cette appellation d’origine pas vraiment contrôlée. Je n’en ai fait usage que bien plus tard, en rencontrant mon Français de souche dans une boucherie, à la soirée de luxure donnée par mon amie Algérienne pour son anniversaire (si si c’est vrai). Je l’ai donc baptisé mon roumi et il en était tout fier. Lui pour qui le vingtième arrondissement est le comble de l’exotisme, qui n’a côtoyé de toute sa vie de trentenaire que deux ou trois maghré-biens, fils de ministres de surcroît, devenait l’amant d’une Marocaine, une vraie de vraie, qui vient du bled mais n’en a pas l’accent. Et c’est tant mieux, un chouya d’exotisme mais pas trop. Et même le chouya est devenu trop.
Enfin bon, je trouve plutôt troublant que mon blog destiné à un faux roumi soit étrenné par un vrai Roumi. Alors merci à toi pour ton gentil commentaire et marhaba (bienvenue en arabe).

mardi, juin 06, 2006

La fête des voisins

Audrey a dit que le marché des marques distributeurs était fleurissant. J’ai eu envie d’en rire avec toi. Avec qui partager mes sarcasmes ? Et la fête des voisins ? J’ai mieux compris les bronzés. Ils ont parlé plomberie, chats et chiens, crotte de pigeons (je sais, on dit fiente pour les pigeons) et pannes d’ascenseur. Moi, j’étais en panne d’inspiration, en rade de mots, en misère de sourires. Rupture de stock. Rien à raconter, pas de maison de campagne en Vendée, pas de souvenirs de quartier, pas de terrine de thon à faire goûter, même pas de tarte maison amoureusement préparée. Le chien de la voisine est vieux, un immonde teckel incontinent qui a saloppé leur moquette. D’ailleurs c’est la seule que j’ai reconnue (la voisine pas la moquette) à force de la croiser tout le temps avec son canin croulant. J’étais persuadée qu’elle était vieille fille et un peu débile. Et bien non, la grande bringue jaunâtre dans son jogging d’ado compassée est sa fille. Née et élevée dans l’immeuble. "Comme c’est attendrissant", me forçais-je du ton faux de la voisine du dessous. D’ailleurs, c’est un peu le building familial. Son grand-père et son oncle habitent mon étage. Je croise souvent son oncle en caleçon (lui, pas moi) près du vide-ordures et j’ai déjà essayé d’enjamber le balcon de son grand-père pour rentrer dans mon studio un matin où j'avais malencontreusement enfermé mes clés. Tentative avortée, comme tu le sais. Nous en avions bien ri.
La dame du cinquième savoure la terrine de thon de toute sa moustache. Tiens, une trentenaire, elle travaille dans un commissariat et sa cousine fait un stage de garde-chiourne, pardon gardienne de prison. Il n’y a pas de sot métier. Il y a même des gens très bien, un quinqua qui bosse chez IBM et un autre dans un hôpital, mais dans l’informatique aussi. Les informaticiens sont sur-représentés rue du Surmelin. Même la grande bringue est en master d’informatique. Master, c’est l’équivalent de maîtrise, qu’elle explique pour ceux qui n’auraient pas suivi la réforme LMD. Moi, je ne comprends pas très bien comment on peut étudier l’informatique à la fac, c’est un peu comme les STAPS, ça me dépasse. On lui demande si elle fait du Java. C’est de l’humour d’informaticien. Mon humour à moi passe moi bien. C’est un peu de l’humour de croque-mort. Quand je réponds au vieux monsieur qui me tend sa quiche aux légumes et m’invite gentiment à rejoindre son groupe : " c’est pas vraiment ma classe d’âge ", il fait semblant de n’avoir rien entendu. La grande bringue se fige mais personne ne s’en rend compte. Elle est d’un naturel figé. Je ferais mieux de m’éclipser. Ce qu’il y a de bien dans la fête des voisins c’est qu’il y a juste l’ascenseur à appeler pour se barrer. Et cette fois-ci, il n’était pas en panne.

lundi, juin 05, 2006

Ecriture cache-misère

Je t’écrivais pour te plaire. Je croyais me racheter d’être si pauvre, de ne jouer d’autre instrument que la pipe, de n’avoir rien de particulier à mettre sur un CV. De parler une langue qui t’indiffère, de ne pas avoir lu Gracq, Nabe ni même Chateaubriand, de n’avoir été ni à l’école Alsacienne ni à Science Po, juste une vulgaire école de commerce, de ne pas retenir le nom des rues parisiennes, ni reconnaître les statues, d’être une étrangère même bien intégrée, une étrangère au quinzième, à tes codes, à la bourgeoisie intellectuelle que tu admires. Trop long de m’introduire à tout ça, même pas la peine d’essayer, tu ne peux que me reprocher mon manque de curiosité, comme si on pouvait reprocher à quelqu’un d’être mal né.
Et ta curiosité à toi pour tout ce qui n’est pas ton monde à cheval entre la beaufitude de la France profonde et la chianlise d’une élite sclérosée? J’avais beau le trouver étriqué, ton monde, j’étais pourtant prête à l’adopter, quitte à me perdre en chemin. Mais c'est toi que j'ai perdu.

Je ne veux plus m’accrocher, me cramponner, m’agripper à des mots pour te garder. De toute façon, je ne rentrerai jamais dans ton moule : il me manquera toujours quelques centimètres d’un côté, qui déborderont de l’autre. Ecriture cache-misère qui, à force de sublimer le quotidien, a fini par le rendre impossible.

Mon premier pas sur la blogosphère

Encore une nouvelle venue sur la blogosphère. J’avoue que je viens juste de découvrir ce nouveau media. Si, bien sûr, j’ai entendu parler du phénomène, ma collègue de bureau m’a montré son blog qui m’a fait sourire, non sans dédain. J’ai lu quelques articles, il y aurait 9 millions de blogs en France, j’ai levé un sourcil d’intérêt. Aussitôt baissé. C’est que, voyez-vous, j’avais une vie, moi, avant. Enfin, un amour à temps plein, qui m’accaparait entièrement, comblait tous les trous, ne me laissait d’autres loisirs que de le penser, le panser, l’écrire, l’aimer, le baiser et recommencer. Je n’avais pas le temps de surfer sur les humeurs de millions d’anonymes, ni l’envie. Encore moins de poster des commentaires de 3000 signes pour répondre à d’autres commentaires qui réagissent à un billet sur l’air du temps. Non, moi, mes commentaires, mes billets, mes signes étaient réservés à mon roumi.
Jusqu’à ce qu’il n’en veuille plus. Jusqu’à ce qu’il nous laisse, mes pauvres mots, mon cul et moi, errer sans maître, comme des chiens. Triple perte, double désarroi. Mon cul trouvera toujours preneur, ce ne sont pas les queues qui manquent, et pour le moment un repos biologique ne lui ferait pas de mal. Mais moi, je n’ai plus rien. Je suis vidée, asséchée, usée. Le tagine a cramé, calciné jusqu’à la moelle et je n’ai plus de feu. Je n’ai plus que ce fiel qui me consume.
Continuer à lui écrire sans retomber dans l’enfer de cette addiction, lui écrire, sans qu’il le sache, un blog anonyme, sur lequel il a une chance sur 9 millions de tomber, presque la même probabilité qu’on avait de se rencontrer, lui roumi ethnocentré, moi arabe fraîchement immigrée.
Je n’ai trouvé d’autre voie que ce moyen détourné pour me désintoxiquer, déverser toute cette amertume, vomir ces mots qui m’infectent, réduire en miettes ces misérables restes d’un amour pantagruélique. C’est moins cher qu’un psy, plus digne que Meetic, enfin je crois.