lundi, juin 05, 2006

Ecriture cache-misère

Je t’écrivais pour te plaire. Je croyais me racheter d’être si pauvre, de ne jouer d’autre instrument que la pipe, de n’avoir rien de particulier à mettre sur un CV. De parler une langue qui t’indiffère, de ne pas avoir lu Gracq, Nabe ni même Chateaubriand, de n’avoir été ni à l’école Alsacienne ni à Science Po, juste une vulgaire école de commerce, de ne pas retenir le nom des rues parisiennes, ni reconnaître les statues, d’être une étrangère même bien intégrée, une étrangère au quinzième, à tes codes, à la bourgeoisie intellectuelle que tu admires. Trop long de m’introduire à tout ça, même pas la peine d’essayer, tu ne peux que me reprocher mon manque de curiosité, comme si on pouvait reprocher à quelqu’un d’être mal né.
Et ta curiosité à toi pour tout ce qui n’est pas ton monde à cheval entre la beaufitude de la France profonde et la chianlise d’une élite sclérosée? J’avais beau le trouver étriqué, ton monde, j’étais pourtant prête à l’adopter, quitte à me perdre en chemin. Mais c'est toi que j'ai perdu.

Je ne veux plus m’accrocher, me cramponner, m’agripper à des mots pour te garder. De toute façon, je ne rentrerai jamais dans ton moule : il me manquera toujours quelques centimètres d’un côté, qui déborderont de l’autre. Ecriture cache-misère qui, à force de sublimer le quotidien, a fini par le rendre impossible.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Pour quelqu'un qui n'a pas fait d'études zinstitutionnelles, vous écrivez fameusement bien... à mon humble avis.
La fête des voisins ! Quelle idée de Parigot ! (j'en faisais partie, ayant habité plusieurs années rue Haxo avec ma petite famille, comme quoi Paris est un village).
En revanche, je vous trouve un peu dure : la France, c'est soit les beaufs profonds soit la chienlit sclérosée de votre ex ?

11:13 AM  
Anonymous Anonyme said...

C'est vrai, je suis un peu beaucoup aigrie. Ma rupture n'a pas arrangé ma misanthropie congénitale.
Non, la France n'est pas que ça, même si elle peut aussi être ça. J’ai d’ailleurs un rapport très ambigu avec ce pays. Je l’ai rêvé sans le connaître, ou plutôt, je l’ai connu à travers une seule de ses composantes (essentielle mais non suffisante) : sa langue. Quand on a cru que TV5 était le juste reflet du PAF, on est forcément un peu perplexe de découvrir TF1, la télé-réalité, la méthode Cauet…Mais enfin, cette vision romanesque est bien sûr à mettre sur le compte de ma niaiserie non moins congénitale. Il paraît que ça s’arrange avec l’âge.
Permettez moi, Manu, de trouver extraordinaire que vous ayez habité à une rue de chez moi. Je ne suis pas encore une blasée des blogs, vous pensez, vous êtes mon deuxième visiteur, alors, je trouve ça troublant. Merci aussi pour votre compliment sur ma plume. Je crois que ce qui me manque le plus (à part les séances de baise débridées), c’est la jouissance d’être lue. Très narcissique évidemment. Merci de me lire de temps en temps.

12:53 PM  

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