jeudi, juillet 27, 2006

Mon premier roumi


Revu Guillaume, mon premier roumi. Un Français en mal d’appartenance, séduit par la promesse d’un Maroc hospitalier. Il vivait dans la vieille medina, voulait se fondre dans la plèbe, quitte à louer deux fois trop cher une baraque insalubre qu’il prenait pour un ryad. Nabab tout de même, fier de s’offrir une cuisinière et une femme de ménage. Mais lui ne voulait pas les exploiter. Il emmenait sa femme de ménage en pique-nique et se faisait consciencieusement arnaquer. Mon Guillaume croyait se faire aimer avec des dirhams et son cœur sur la main. Son cœur, personne n’en voulait.
Et moi séduite par sa pétulance, son humour de dépressif, sa fragilité. Si peu son corps d’empoté. Mais ses mains gracieuses de pianiste, ses mains habiles savaient me faire vibrer. Ma première queue non circoncise, que j’ai appris à découvrir, à faire émerger. Et puis queue farouche, si longtemps solitaire, qu’il m’a fallu rassurer, doucement introduire au plaisir partagé. Sa timide maladresse me débridait. Avec lui, je pouvais oser. L’envoûter en danseuse de cabaret. L’enfourcher dans un parking, même pas bien garés. Lui s’enhardissait et me surprenait. Pas encore sensuel, mais déjà érotique. Nouvelle saveur du sexe sur les passions de Bach. Presque-état de transe et des caresses pour lui inventées. Moi qui ai si peu d’oreille, j’ai appris avec lui à écouter. Appris à planer. Mes sens enivrés par la volupté noyée dans les volutes de cannabis. Nos sens affamés, à l’affût de la moindre ardeur préservée, avides à peine rassasiés, insatiables comme quand le temps est compté. Le nôtre l’était en semaines. Quelques semaines avant que je ne me lasse de son inépuisable propension à s’extasier, sa niaise naïveté, son incomplétude d’enfant de suicidée. Je lui ai laissé le Maroc et me suis envolée, vers d’autres bras, d’autres queues, d’autres chevauchées.
Maintenant embourgeoisé, mon Guillaume. Installé dans un quartier middle class, ascenseur et parking sécurisé. A fait du chemin mon Guillaume, créé sa propre boîte de com’, pris du bide et de la respectabilité. N’a pas perdu son enthousiasme écarquillé, son romantisme de mal-aimé. Il va épouser une Marocaine, une " princesse de pureté ", reste plus que des formalités de conversion à expédier. Pas osé lui demander s’il allait se faire zigouiller, serait capable d’écorcher mon souvenir calotté. Juste souri et félicité. Il cherche une famille mon Guillaume disloqué. Il n’a pas compris qu’ici, il ne sera toujours qu’un étranger.

25 Comments:

Blogger Loula la nomade said...

Douda,

Ah je me disais bien que tu avais une âme d'activiste humanitaire. Bonne journée.

1:55 PM  
Anonymous Anonyme said...

Magnifiquement tragique… au point que je ne puis même plus me branler (même si l'amante est charmante — i.e. la mante, la jolie) tant la peine pour ce pauvre « Guillaume » et un flot de larmes me submergent.

5:57 PM  
Blogger Roumi said...

@douda : cette histoire m'a beaucoup ému ; c'est tout...

8:05 PM  
Blogger Douda said...

C'est une soirée émotion. Je pleure aussi.

9:09 PM  
Anonymous Anonyme said...

Et toi, tu crois que tu seras toujours une étrangère ici?

Cette cruauté dont tu parles - "il ne sera jamais qu'un étranger" me semble mieux correspondre à mon expérience personnelle de la mentalité maghrebine que la proverbiale et sûrement authentqiue mais superficielle malgré tout hospitalité...
Ta vie semble plein de fantômes...

9:43 PM  
Blogger Douda said...

Etrangère ici et là-bas. J'ai passé tout mon séjour à piaffer, railler et dédaigner mais maintenant que je dois partir, un je ne sais quoi me retient, l'amour des miens malgré tout. Personne ne m'attend à Paris.

Bon allez, encore une larme pour la route...

9:57 PM  
Blogger Chakazoulou said...

Douda,

Bon retour, meme si poersonne ne t'attend a Paris. C'est le cas de tous les nomades.

Dans tous les cas,continues a ecrire et a polemiquer, c'est bon pour le moral.

Salam

Chak

10:22 PM  
Blogger Roumi said...

@douda : mais non ne pleure pas ! et reviens à Paris... et plus vite que ça, ton café va refroidir ! :-)
Personne ne t'attend, tu es sûre... ? Oh non, pas ça Douda...! Tu veux faire pleurer tout le monde ou quoi ?
Tout le monde t'attend à Paris pour tes notes "parisiennes" ; apparemment y'en a même qui se tripotent en lisant tes notes... si c'est pas honteux... ne te laisse pas éclabousser par le scandale, Douda ! :-)

12:32 AM  
Anonymous Anonyme said...

Ton royaume est fait de queues. Tu viens d'inventer la literature des queues qui va certainement rempalcer celle du cul...
Je pensais que les arabes ont un cul dans la tete, toi, t'as une queue dans la tete.

Il en faudrait beaucoup pour eteindre la soif..
Tu pourrais regarder du cote des energies alternatives...

6:25 AM  
Anonymous Anonyme said...

La version de Prevert...

"Etre ange
c'est étrange
dit l'ange
Etre âne
c'est étrâne
dit l'âne
Cela ne veut rien dire
dit l'ange en haussant les ailes
Pourtant
si étrange veut dire quelque chose
étrâne est plus étrange qu'étrange
dit l'âne
Etrange est
dit l'ange en tapant des pieds
Etranger vous-même
dit l'âne
Et il s'envole."

7:35 AM  
Anonymous Anonyme said...

Pleure pas, on est là.
Le cocon familial, tout ça, les souvenirs, ça fragilise, ça réveille des fêlures bref, ça t'a attendri.
On va te taner la couenne, te maltraiter de nouveau.

9:58 AM  
Anonymous Anonyme said...

Sk†ns, je ne veux par apparaitre comme un monomaniaque mais c'est le sujet de La Folie Almayer de Conrad....

12:52 PM  
Blogger Douda said...

Désolée d'avoir versé dans le méli-mélo, faiblesse passagère dont vous êtes témoins, comme du reste.

Chak, contente que mon égotisme ne te hérisse plus le poil, pour le moment...

Roumi, tiens mon café au chaud, j'arrive...

Anonyme, "royaume de queues"? c'est pas mal ça comme titre...."Il en faudrait beaucoup pour eteindre ta soif..", pas tant que ça, une à la fois en général...et parfois pour longtemps...je suis plutôt monomaniaque.

K, mon Kdeau empoisonné, que te dire que tu ne sais déjà, que je me sens étrâne et que tu resteras toujours étranger.

J'y compte bien maître Skoty.

Tlön, je n'ai pas lu La Folie Almayer mais Skoty a cerainement un avis là-dessus.

Jawaher, repasse dans 70 ans quand tu seras moins prude ou que je serai plus "noble". Mais j'ai déjà 70 ans et je radote, n'est-ce pas K?

2:06 PM  
Anonymous Anonyme said...

« la folie Almayer », c'est marrant, parce que d'excellents amis, rares esprits distingués, me l'on vivement conseillé, et pourtant… Je dois avoir l'esprit un peu épais. L'arrière-plan "politique" est assez chiant et je dirais que seul le fol amour/désamour paternel pour la fille m'a touché (bien au-delà de l'amourette). Mais la mère aussi est assez terrible — elle entretien ma misogynie.. Mais bon, on va pas s'étendre.

Je veux pas foutre la merde, mais bon, Jawaher, je sais pas si tu rigoles, parce que sinon t'es pas choquant : t'es dramatique.

2:30 PM  
Anonymous Anonyme said...

Et puis que si tu continues à m'appeler par mon petit nom, je vais finir tomber amoureux. Et avec toutes tes hsitoires passées, présnetes et à venir, je vais devenir jaloux, voire très mauvais — m'"arabiser", en quelque sorte.
(Désolé pour le dérangement, messieurs)

3:05 PM  
Blogger Douda said...

C'est quoi ton petit nom? Maître ou Skoty?

8:59 AM  
Anonymous Anonyme said...

La litterature de queue est un nouveau genre qui risque de bien marcher. Du point de vue Marketing, c'est un creneau porteur.

Mais il peut y a voir des variations, selon de nombreux criteres ou themes: linguistiques, physiques, religieux... et les gouts (a la fraise, a la menthe, avec du the et un joint de shit...

Ce n'est pas tant la quantite qui fait la qualite, mais elle y contribue par un plus grand choix dans la selection. Mais comme disait Coluche, ce ne sont pas ceux qui ont les plus garndes oreilles, qui entendent le mieux!

Mais, c'est pour palisanter...

1:09 PM  
Anonymous Anonyme said...

Je suis fatiguée par 2 jours de 7dour, 3 jours d'immersion dans une hypocrisie dégoûtante, 2 nuits de namima intense autour de moi,

Ton texte triste, et dur à souhait, émouvant et sincère comme c'est pas permis m'a fait mal,m'a soulagé....

5:23 PM  
Blogger Douda said...

Chighaf,est-ce que tu pourrais éviter d'écrire en arabe ou alors traduire au fur et à mesure pour que tout le monde comprenne. Autrement, pour des messages privés, j'ai mis mon adresse mail sur mon profil et là tu peux te lâcher.

11:07 AM  
Anonymous Anonyme said...

je pense que j'ai dit l'essentiel en français, ds mon texte il n'ya que 2 mots en arabes dont la compréhension n'était pas primordial, d'autant plus que je ne participe pas à un débat.

mais c'est noté

11:21 PM  
Blogger Loula la nomade said...

Bonsoir,

7dour, assiter à un événement.
Namima: commérage.
Douda, t'aurais pu les traduire tout simplement:-).
Bon début de semaine

12:40 AM  
Anonymous Anonyme said...

Quel est le sens précis de Roumi sous ta plume?

1:32 PM  
Blogger Douda said...

Chighaf et Loula, c'est vrai que certains mots perdent leur sève dans la traduction, mais je suis excédée par cette habitude de mélanger l'arabe et le français, une intolérance de plus.

Anonyme, j'avais consacré un billet sur le sujet si tu as la patience de le lire: http://lettres-a-mon-roumi.blogspot.com/2006/06/mon-premier-commentaire.html

1:58 PM  
Anonymous Anonyme said...

Pas excedee par le franglais au moins... tiens ton nouveau post est full of English words, meme que tu as tres bien conjugue le mot brunch! Ouais, mais ca au moins ca fait "in" ( comme a si bien dit Chakazoulou) pas comme la darija qui n'est meme pas une langue... et puis n'oublions pas: les lettres de douda sont destinees a son "roumi"! (pour ceux qui ne comprennent pas l'arabe: Roumi= Europeen, Occidental, chretien etc);-)

1:33 AM  
Blogger Douda said...

Zalamoka, le nouveau billet est exprès full de barbarismes et de franglais, dommage que j'aie pas pu mettre l'accent avec...
Oui, le parti pris de ce blog est d'être exclusivement francophone, mon roumi avait appris quelques mots de darija mais je n'ai pas eu le temps de la lui faire parler fluently...

8:01 AM  

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