vendredi, octobre 13, 2006

Liquidation à effet immédiat


Ça y est, le verdict est tombé. Je suis liquidée. Non pas moi, la boîte où je travaille (non travaillais, c’est du passé, faut t’y faire), moi je suis licenciée économique, virée suite à la débâcle de mon entreprise spécialisée pourtant en réduction de coût et qui n’a su réduire que nos têtes. Même que le redressement judiciaire n’a rien redressé du tout.
On a beau se dire que ce n’est que le dénouement logique d’une agonie qui perdurait depuis des mois. La mort, même annoncée, est une mort brutale. Et puis, on s’y fait au stade terminal, ça changeait pas grand chose au mode de fonctionnement chaotique d’une boîte qui a toujours tourné avec beaucoup de vent et une trésorerie asséchée. Les salaires versés avec trois semaines de retard, la mutuelle fantôme, les carnets de tickets restau livrés tous les trois mois, les virements qui se perdent dans les tuyaux des banques occultes (en faisant un détour par le Liechtenstein et Wagadougou), ça c’était la routine depuis deux ans et demi. Depuis que j’ai mis le pied frétillant de reconnaissance d’être pris dans ce qui allait être mon premier stage en France, puis mon premier boulot, puis mon premier placard, et enfin mon premier ticket vers les Assedic. Entre-temps, j’ai fait le tour des statuts depuis stagiaire bénévole à CDD renouvelable à l’envi jusqu’à CDI avec titre de séjour de travailleur temporaire (faudra expliquer aux gars de la préfectures qu’y a longtemps qu’on fait plus les vendanges à Paris) en passant par un statut hybride de salarié non identifié semi-déclaré selon la couleur da la fiche de paye et l’humeur du patron, très lunatique comme tout petit patron de petite PME. Mais c’est pas grave, y avait les avantages de bosser dans une entreprise à taille humaine, la promiscuité, la communication informelle, l’ambiance indexée sur les humeurs du patron, le plaisir de monter soi-même ses propres meubles, d’attendre une semaine la livraison du papier à imprimer, de bosser sur un ordi rafistolé mais tellement plus convivial. Même qu’on connaissait les détails de la vie de famille recomposée du patron et de sa femme qui se donnaient du chéri d’un étage à l’autre, quand ils n’étaient pas en train de hurler au téléphone, portes des bureaux grandes ouvertes, y a rien à cacher. Port du casque obligatoire pour bosser. C’est ça un patron de gauche, la transparence. Sauf pour les comptes, parce que là faut pas décompter, c’est tellement mesquin un salarié qui réclame d’être payé le 12 du mois, ça fait tellement fonctionnaire-moule accrochée à son rocher. A fortiori quand c’est une étrangère avec des tonnes de paperasse à remplir pour pas se faire vider. Et qu’elle la ramène pas trop non plus avec ses mines offusquées, parce qu’au bled on sait bien comment ça se passe…
De ce côté là, ça se passait plutôt bien au bled, justement, je bossais dans un cabinet anglo-saxon, dont on prononce les initiales avec le frisson de fierté du privilégié, genre le cabinet Mac Gregor, dans " Violence des échanges en milieu tempéré ". D’une entreprise arabe managée à l’américaine, je me retrouve dans une boîte française gérée comme une épicerie arabe, avec en prime un patron marchand de tapis qui s’habille chez Babou, on fait jamais assez dans la caricature. Enfin, tout cela est fini maintenant. Hier on était convoqués au bureau du liquidateur judiciaire qui nous a donné les formulaires de reclassement avec suivi personnalisé. Son regard humide de compassion nous disait bien que c’était juste bon à se torcher. A moins qu’on se fasse reprendre avec les meubles. Reste à espérer que le repreneur apprécie l’artisanat marocain, même bradé, et qu’il ne soit pas total look Ikea.

17 Comments:

Blogger Roumi said...

@douda : consoeur chômiste, je te salue... :-) Bon j'avais bien senti qu'il y avait un "léger" problème. Ce genre d'entreprise que tu décris, il y en a beaucoup malheureusement. Il y a des gens qui n'ont aucune notion de la gestion, d'une certaine rationalisation, de l'économie dans les dépenses, ... cela finit parfois par ne plus ressembler à rien et tout le monde est renvoyé brutalement dans ses foyers... c'est assez triste.
Bon courage ma p'tit fleur chérie. gros bisous.

2:19 AM  
Blogger Doomu Rewmi said...

L'égoisme nous surprend dans des moments innatendu. En te lisant, j'ai pensé : "chic, Douda va pouvoir nous raconter l'Assedic; Avec son verbe acide, ca va déchirer."

Bon pour me rattrapper je suggère qu'on fasse ici le travail de reclassement.

Des suggestions sur le prochain metier e Douda ?

6:29 AM  
Anonymous Anonyme said...

J'ai connu un peu ça, la tourmente de la boîte qui dégringole.
De temps à autre, mon patron venait me voir et me disait : voilà, il faut en virer tant dans ton équipe, dis-moi lesquels.
Je réfléchissais un peu, je pointais : bon, lui, lui, et lui...
Et on s'accrochait jusqu'à la prochaine charette.

On s'est finalement fait racheter, je suis tombé chez des fous, j'ai été viré de mon placard doré au bout de 8 mois et ce fut la meilleure chose qui m'arrivât professionnellement depuis quelques années.
Il est vrai que mon séjour en France n'était pas remis en question par mon absence d'emploi.

Je te souhaite un aussi bon rebond que le mien, t'envoie un baiser, et te félicite pour ton style décidément toujours aussi acéré.

8:53 AM  
Anonymous Anonyme said...

Bon courage.

1:06 PM  
Blogger NM said...

“Once upon a time”, I left a prestigious job to move here…it wasn't an easy choice as I had no job waiting for me. But it was the right thing to do, regardless of the consequences: insecurity, anxiety and sometimes discouragement. But I learned this: one of the great recipes for success in a global job market is not to learn how to find a job but to learn how to be employable, meaning to be able to offer something and fit in any industry, field or area. Such a skill can only be developed once you are faced with the harsh reality of unemployment. You are an extremely smart woman, keep having faith until you find what suits your skills and your needs, I have no doubt that you will make it. And by the way, your long silence was starting to worry me, glad to have you back and good luck :-)

6:49 PM  
Anonymous Anonyme said...

Je me disais : pourvu que ce silence soit dû à une puissante période de collecte "documentaire" en vue de chefs d'œuvre à venir…

10:12 PM  
Anonymous Anonyme said...

Bon ben tu vas pouvoir traîner toute la journée au Balto avec toute la bande de joyeux glandus!
Et puis comme on dit: un boulot de perdu... un boulot de perdu!

11:42 AM  
Blogger Douda said...

Amis lecteurs, merci de vos mots qui me réchauffent le corps à l’heure où je dois économiser mon chauffage électrique. Quant à vos attentes de voir ce blog gagner en épaisseur et en insolite, je crains de vous décevoir…puisqu’il me reste vraisemblablement quelques mois avant de m’abriter sous les tentes de Médecins du Monde, ce qui serait certainement bénéfique à mon inspiration mais probablement moins à mon ordinateur portable. Pour le moment, en chronique de société, je n’ai d’autre matière à vous offrir que l’observation des acariens planqués dans mon canapé-lit ; et mes nourritures culturelles se réduisent aux pubs pour incontinents qui passent à l’heure où seules les larves bavent devant la télé. Je crains que ça ne vole pas très haut.

11:49 AM  
Anonymous Anonyme said...

Allons, petite Douda, quel homme de goût ne voudrait pas d'un charmant bibelot sonore comme toi pour meubler son entreprise...
Et puis si on en arrive là, je suis prêt à partager mon bout de quai sous le pont Neuf. C'est pas top niveau confort, mais la vue est imprenable.

2:31 AM  
Anonymous Anonyme said...

j'espère que tu retrouveras rapidement une occupation, un boulot, un mec... (très égoïstement : au moins quelque chose qui t'inspirera pour nous pondre encore plein de beaux textes !)

12:17 PM  
Blogger natty said...

Bon courage Douda...

6:11 PM  
Anonymous Anonyme said...

Dis donc Douda tu d'vrais passer au Balto: ya Vébé qui fait dans l'exotique!...

6:20 PM  
Anonymous Anonyme said...

Quoi??? Qu'est-ce que tu dis??? Mais le premier sinistre l'a dit: le chomage n'a JAMAIS été aussi bas en France! Quoi? les chiffres sont bidons?? Nooooon???

Depuis le temps qu'on nous prends pour des buses, qu'on nous pratique la méthode couet en clamant "tout le monde il est gentil, et le pays va bien". Dans mon "bassin d'emploi" où tout le monde se noie, il n'y a que 30% de chômage. Bizarre ça colle pas avec le reste du pays, on doit être un microcsome de fainéants. Probablement.

Ikea? Tu vas te teindre en blonde et désormais il faudra t'appeller "Inga"???


Je t'embrasse ma Douda et je t'envoie tout le courage psossible par livreur spécial (un beau, brun avec des yeux verts.)

Bises

8:26 AM  
Anonymous Anonyme said...

Ben c'coup là t'as disparu...

12:45 PM  
Blogger Doomu Rewmi said...

Je ne sais pas vous mais moi j'ai du mal à imaginer Douda en mal d'emploi (en mâle d'emploi si). Normal, on apprecie tant sa plume chirurgicale (comme le bombes US, et les effets collateraux ne sont pas mals non plus. du firendly fire Douda ?) , .. on apprecie tant sa plume disais donc avant de m'interrompre moi meme pour une digression débile ... euh qu'est ce que je disais .. ah oui .. on l'apprecie tant donc qu'on a du mal à s'imaginer que le patron potentiel ne saute dessus (la plume, pas Douda..) même si c'est pour vendre un poste de chef comptable (un bilan à la Douda, comme ce petits posts sur les Lendemains qui déchantent, ça doit vous faire remonter la cote à la bourse ..)

En attendant, Douda, tripple dose de blos pour nous. STP ...

1:16 AM  
Anonymous Anonyme said...

C'est ballot, hein, mais je n'étais jamais arrivé jusque ici. Ce qui est un peu idiot, parce que visiblement vous vous étiez déjà arrivée jusqu'à chez moi... J'ai lu encore peu de choses de vos écrits mais ce post-là, rien que celui-là, valait déjà le déplacement ! Ca ne vous ennuie pas si je m'installe un petit moment sur vos lignes ? Je ne ferai pas de bruit, je suis propre et je me contente de peu.

1:04 PM  
Blogger Loula la nomade said...

Chère Douda,

J'espère que tout va pour le mieux. Donne signe de vie.

3:24 PM  

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