vendredi, décembre 21, 2007

Maman le temps qui passe…


Le temps s’égrène si lentement ici. On a beau le suspendre en rêves éveillés, lui faire perdre le fil, essayer de l’égarer, ralentir pour le laisser passer, l’embrouiller en horaires décalés, il en reste encore des heures et des heures à épuiser. Alors, on parcelle les tâches pour qu’elles durent plus longtemps, histoire de créer un faux stress, une sensation d’urgence, un semblant de vie. Les courses, on les fait en dix étapes : un marchand pour chaque produit, et de préférence pas dans le même quartier.
Depuis qu’elle est à la retraite, ma mère excelle dans ce bourdonnement quotidien et s’applique à faire en dix heures ce qu’elle pourrait faire en une heure trente, en comptant la manucure. Sauf qu’elle ne s’offrirait jamais une telle frivolité et qu’elle n’échangerait pour rien au monde sa mauvaise mine et ses traits tirés , parce qu’une mère détendue est une mère indigne. Lever à 6h du matin pour obtenir de belles cernes, de 6h à 10 h, je ne sais pas trop ce qu’elle fait (puisque je dors), mais elle s’active vraisemblablement dans la cuisine, lit le journal, fait au moins deux grilles de mots croisés, une ou deux machines, un peu de repassage, chasse les mouches, appelle ses sœurs….A 10h, je l’accompagne dans une de ses dix sorties quotidiennes. 10h02 : on va chercher ma petite sœur au lycée et la déposer chez l’orthodontiste à l’autre bout de la ville (parce que les transports en commun, c’est pour la plèbe), 10h12 : on est chez le marchand de volaille où tu choisis ton poulet vivant avant qu’il ne se fasse trucider en direct live ( dans une espèce de labo à l’arrière-boutique, où les règles d’hygiène sont calquées sur la norme Iso-j’men-fous), déplumer, et empaqueter dans un vieux sac plastique. 10h30 : c’est le marchand d’épices où chaque client se fait servir par un ou deux larbins parce que le self-service est déshonorant et que la main-d’œuvre est pas chire. Et bien même en se tapant la discute avec tout le monde (j’ai notamment eu droit à une leçon pour distinguer les différentes sortes de poulets : élevés au grain, industriels et croisés ), ça ne nous faisait que trois quarts d’heure ! Heureusement, il faut ressortir une demi-heure plus tard pour acheter le pain (qui n’est disponible qu’entre 11h45 et 13h15), mais pas à la boulangerie d’à côté qui triche sur la farine, mais à celle deux pâtés de maisons plus bas, on n’est pas à 2l d’essence près. Ma mère est donc tout le temps très occupée, surmenée par les exigences tyranniques de sa morale bio-religieuse: non, je ne congèlerai point pour me faciliter la vie, parce que ce serait priver ma famille de la saveur du frais, et peu importe s’ils ne s’en rendent pas vraiment compte, Dieu me récompensera dans l’au-delà. Evidemment, avec ce rythme effréné, il ne lui reste plus de temps à passer avec sa fille qui n’est là qu’une semaine. Mais ça, on aura tout le temps de le regretter… après.

mercredi, décembre 19, 2007

Compagnie low-cost

Atterrissage en douceur à Agadir : gagné 20° en 3 heures. Bien mérité après un voyage éprouvant, coincée entre Ségolène Royal et Paul-Loup Sulitzer. OK, c’était pas le vrai Paul-Loup Sulitzer, juste un gras machin bling-bling qui lit Golf magazine et loue une villa avec piscine pour recevoir ses clients entre deux puts. Il adoooooooore Agadir : « pour le prix d’un studio à Marbella, t’as une maison somptueuse avec domestiques encastrés, et open putes… »
Ségo est offusquée, mais reste digne. D’accord, c’est pas la vraie Ségo non plus, mais son portrait craché-juré. D’ailleurs, je suis pas la seule à faire le rapprochement, la cohorte de délégués-médicaux embarqués avec elle pour un séminaire low cost lui donnent tous du Royal. C’est vrai que ça fait plus classe que Fabienne. Et la ressemblance n’est pas que physique, le même ton pincé de l’institutrice « intransigeante mais pour ton bien pauv’fille », et le même sourire constipé de peine-à-jouir.
Bien sûr, elle est très à cheval sur ses principes, car c'est tout ce qu'elle a les moyens d'enfourcher. Sa monture de bataille: le respect des saisons, l’éducation du goût, la préservation des terroirs et des modes de vie d’antan, quand on bouffait des rutabagas l’hiver et les tomates que l’été. Un peu bizarre pour une déléguée médicale qui refourgue des gélules pas très bio pour soigner les bobos des fossoyeurs de la sécu…oui, mais elle est déjà assez occupée à combler le trou de la couche d’Ozone, en retenant tous ses gaz à effets de serre.

dimanche, décembre 09, 2007

Disproportion


Ok la première fois, ça n’a pas marché, je n’ai pas tenu longtemps. Même pas laissé le temps au sperme de sécher, aux larmes de couler, au manque de s’installer. Craqué avant même que tu ne réalises, parce que tu as toujours une réaction de retard, et moi deux émotions d’avance.
Pas évident de renoncer au minimum affectif garanti, à la régularité des effusions, à la sécurité dérisoire du " nous ". Trop fatigant de chercher d’autres sources d’énergie, de puiser dans ma seule volonté, de vivre sans le regard de l’autre, comme une peine perdue.
Cette fois, j’espère que c’est la bonne : j’ai déjà tenu deux mois, perdu trois kilos, éteint mon téléphone, pris quelques cuites, vomi des carottes râpées et notre histoire. Noyé mes larmes dans la baignoire, trop grande sans toi pour me caler. Cru t’entendre ouvrir la porte, espéré te voir débouler, furieux d’être plaqué (t’ai-je déjà vu furieux ?)…saloperie de murs en carton, c’était juste mon voisin de palier. Sortie changer d’air. Mais l’air est partout le même, irrespirable, chargé de particules de toi qui m’irritent les yeux, me font pleurer. Une petite perte qui crée un grand vide, voilà ce que tu es.