vendredi, octobre 27, 2006

Reconnexion


Chers lecteurs, pardon d’avoir déserté sans vous prévenir. J’ai lâchement abandonné mon blog et mon taudis parisien pour aller faire l’ermite en montagne. Bon OK j’avoue, pas totalement ermite puisqu’escortée de mon grand blond d’amour-carte-postale qui n’a jamais si bien mérité son nom. Devrait être payé par l’office du tourisme tant il se dévoue pour la promotion des petits villages classés au patrimoine mondial de l’Unesco pour la particularité de leur bouse de vache. Capable de disserter pendant des heures sur la nuance entre la lumière de 8h du mat et celle de 9h30 parce que, voyez-vous, les mélèzes rougeoyants rougeoient différemment. Phytosensible au point de larmoyer encore sur les dégâts de l’incendie de 1995 qui a décimé des forêts de chênes centenaires (ou était-ce des frênes). Heureusement, la nature lui inspire aussi des saillies moins verbeuses, du genre à me rendre écolo déchaînée enchaînée au tronc de mon saule pleureur. A en chialer. A embraser les mélèzes déjà enflammés. Non, on a dit pas d’incendie de fourrée.
J’aurais bien prolongé ma retraite de quelques semaines, histoire de vous raconter mon ascension vers le nirvana des chômeuses choyées. Mais on ne peut pas vivre que de sexe et de miel des Alpes, enfin surtout lui, qui est encore rattaché au monde civilisé par de basses contingences matérielles. Parce que moi j’étais même prête à traire les vaches. Sauf qu’elles sont classées monument historique.

vendredi, octobre 13, 2006

Liquidation à effet immédiat


Ça y est, le verdict est tombé. Je suis liquidée. Non pas moi, la boîte où je travaille (non travaillais, c’est du passé, faut t’y faire), moi je suis licenciée économique, virée suite à la débâcle de mon entreprise spécialisée pourtant en réduction de coût et qui n’a su réduire que nos têtes. Même que le redressement judiciaire n’a rien redressé du tout.
On a beau se dire que ce n’est que le dénouement logique d’une agonie qui perdurait depuis des mois. La mort, même annoncée, est une mort brutale. Et puis, on s’y fait au stade terminal, ça changeait pas grand chose au mode de fonctionnement chaotique d’une boîte qui a toujours tourné avec beaucoup de vent et une trésorerie asséchée. Les salaires versés avec trois semaines de retard, la mutuelle fantôme, les carnets de tickets restau livrés tous les trois mois, les virements qui se perdent dans les tuyaux des banques occultes (en faisant un détour par le Liechtenstein et Wagadougou), ça c’était la routine depuis deux ans et demi. Depuis que j’ai mis le pied frétillant de reconnaissance d’être pris dans ce qui allait être mon premier stage en France, puis mon premier boulot, puis mon premier placard, et enfin mon premier ticket vers les Assedic. Entre-temps, j’ai fait le tour des statuts depuis stagiaire bénévole à CDD renouvelable à l’envi jusqu’à CDI avec titre de séjour de travailleur temporaire (faudra expliquer aux gars de la préfectures qu’y a longtemps qu’on fait plus les vendanges à Paris) en passant par un statut hybride de salarié non identifié semi-déclaré selon la couleur da la fiche de paye et l’humeur du patron, très lunatique comme tout petit patron de petite PME. Mais c’est pas grave, y avait les avantages de bosser dans une entreprise à taille humaine, la promiscuité, la communication informelle, l’ambiance indexée sur les humeurs du patron, le plaisir de monter soi-même ses propres meubles, d’attendre une semaine la livraison du papier à imprimer, de bosser sur un ordi rafistolé mais tellement plus convivial. Même qu’on connaissait les détails de la vie de famille recomposée du patron et de sa femme qui se donnaient du chéri d’un étage à l’autre, quand ils n’étaient pas en train de hurler au téléphone, portes des bureaux grandes ouvertes, y a rien à cacher. Port du casque obligatoire pour bosser. C’est ça un patron de gauche, la transparence. Sauf pour les comptes, parce que là faut pas décompter, c’est tellement mesquin un salarié qui réclame d’être payé le 12 du mois, ça fait tellement fonctionnaire-moule accrochée à son rocher. A fortiori quand c’est une étrangère avec des tonnes de paperasse à remplir pour pas se faire vider. Et qu’elle la ramène pas trop non plus avec ses mines offusquées, parce qu’au bled on sait bien comment ça se passe…
De ce côté là, ça se passait plutôt bien au bled, justement, je bossais dans un cabinet anglo-saxon, dont on prononce les initiales avec le frisson de fierté du privilégié, genre le cabinet Mac Gregor, dans " Violence des échanges en milieu tempéré ". D’une entreprise arabe managée à l’américaine, je me retrouve dans une boîte française gérée comme une épicerie arabe, avec en prime un patron marchand de tapis qui s’habille chez Babou, on fait jamais assez dans la caricature. Enfin, tout cela est fini maintenant. Hier on était convoqués au bureau du liquidateur judiciaire qui nous a donné les formulaires de reclassement avec suivi personnalisé. Son regard humide de compassion nous disait bien que c’était juste bon à se torcher. A moins qu’on se fasse reprendre avec les meubles. Reste à espérer que le repreneur apprécie l’artisanat marocain, même bradé, et qu’il ne soit pas total look Ikea.